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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande.

Marie-Ange Pioerron/Fréjus Quenum17 juillet 2009

Le procès de Charles Taylor revient dans les colonnes des journaux allemands. L'ancien président du Libéria a commencé à déposer devant le tribunal spécial pour la Sierra Leone.

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Image : AP

L'acte d'accusation énumère sur 30 000 pages onze crimes de guerre et crimes contre l'humanité que Taylor aurait commis pendant la guerre civile en Sierra Leone. Il nie tout en bloc. "Mensonges, rien que des mensonges diaboliques" - l'inculpé s'indigne, lit-on dans la Süddeutsche Zeitung, Il est apparu à l'audience en costume sombre, avec chemise blanche, cravate et lunettes teintées. Le présumé criminel de guerre est sûr de lui. Il se présente comme " Dakpenah Docteur Charles Ghanakay Taylor", 21ème président du Libéria, bien que son propre peuple, souligne le journal, l'ait chassé du pouvoir il y a six ans et que, sous la pression internationale il a dû partir en exil au Nigéria. Dakpenah, explique-t-il à la cour, signifie qu'il est, jusqu'à sa mort, le chef suprême de toutes les tribus du Libéria. Depuis le début du procès en janvier de l'année dernière, rappelle le journal, 91 témoins ont déposé contre Taylor. Beaucoup ont relaté des horreurs. Ume femme par exemple a raconté qu'elle avait été contrainte de transporter un sac rempli de têtes coupées, dont celle de son enfant. Taylor a été le premier des 249 témoins cités par la défense. Comme la Süddeutsche Zeitung, la Frankfurter Rundschau s'attache d'abord à la tenue vestimentaire de Charles Taylor. Taylor, écrit ce confrère, s'est déjà présenté sous de multiples facettes - en chef rebelle en uniforme, le revolver à la ceinture, en président arborant un fier boubou ouest-africain, en pécheur repenti vêtu de blanc des pieds à la tête. Cette fois-ci, l'ex-président du Libéria est apparu en homme d'affaires européen - costume croisé, cravate et boutons de manchettes dorés. Ainsi escomptait-il donner plus de poids à sa déposition, lui qui est inculpé de graves crimes comme meurtres, viols et tortures. La parole est à l'accusé, titre la Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui rappelle que le tribunal spécial pour la Sierra Leone a été créé en 2002 par le gouvernement sierra-leonais et les Nations unies. Il a pour mission de juger les principaux responsables des crimes contre le droit humanitaire international et le droit de la Sierra Leone, commis sur le territoire de la Sierra Leone après le 30 novembre 1996. (C'est la date des accords d'Abidjan qui à l'époque ont tenté, en vain, d'enrayer la guerre civile).

Desertec Projekt Karte in Afrika Wüste Photovoltaik
Image : DESERTEC

La presse allemandeconsacre aussi beaucoup d'articles cette semaine à un projet énergétique qui a été présenté à Munich - c'est le projet Desertec, un gigantesque projet solaire qui doit voir le jour en Afrique du nord. Douze entreprises, en majorité allemandes, ont signé un protocole d'accord pour la construction de centrales solaires dans les sables du Sahara.

Le projet Desertec, écrit Die Welt, rappelle par ses dimensions dans le temps et dans l'espace, les grands travaux des 19ème et 20ème siècles: la construction du chemin de fer entre la côte Est et la côte Ouest des Etats-Unis, le canal de Suez et celui de Panama, le barrage d'Assouan. Mais ajoute Die Welt, le projet reste encore très abstrait, incarné seulement par des carrés sur la carte de l'Afrique du nord. Un avenir ensoleillé, titre la Süddeutsche Zeitung, qui relève malgré tout que beaucoup de questions restent encore sans réponse à propos de ce projet qui un jour doit couvrir 15% des besoins européens en énergie. Il y a tout d'abord la question du financement des coûts, évalués à 400 milliards d'euros. Il y a aussi, poursuit le journal, d'autres points d'interrogation: où pourra-t-on construire les installations, à travers quels pays le courant sera-t-il acheminé vers l'Europe? Et c'est là précisément que les détracteurs du projet interviennent: non seulement ils s'inquiètent de la stabilité politique dans les pays de l'Afrique du nord mais à long terme ils redoutent aussi une plus forte dépendance politique de l'Europe vis-à-vis de ces pays. Pour le Tagesspiegel de Berlin, Desertec pourrait renouer le lien entre l'Orient et l'Occident. Alors vision, fiction ou utopie, toujours est -il, estime le journal, que le débat montre bien de quoi il s'agit: à savoir de la pénurie de matières premières, et partant de là, de politique de paix, de colonialisme, de danger terroriste. Le mot "colonialisme" est lâché, il rebondit dans les colonnes de la Berliner Zeitung. Enivrés par les images, les visionnaires fabulent sur une terre sans maître et sans habitant qui n'attend que d'être mise en valeur. Les colonisateurs de l'Afrique tenaient déjá le même discours au 19ème siècle. Or souligne le journal, il existe bel et bien des droits de propriété, d'exploitation, de transit. Les promoteurs de Desertec ne se sont pas encore occupés de ces détails, pas plus que de l'autre grande question: pourquoi acheminer, à grands frais, vers une Europe entierement électrifiée une électricité produite en Afrique, alors que dans des pays comme l'Ouganda et le Congo 5% de la population sont raccordés au réseau électrique. N'est-ce pas une éternelle répetition, poursuit le journal: le Nord cherche ses sources de matières premières au Sud, les exploite et ne s'occupe pas du reste.

Die Angst vor dem großen Treck
Image : Simone Schlindwein

Enfin la Tageszeitung consacre un très long article au Burundi. Notamment à la difficile réinsertion des ex-rebelles du Palipehu-FLN. Beaucoup ne reçoivent que 50 dollars pour prendre un nouveau départ. Il est question aussi du retour des réfugiés, et des inévitables conflits de terre. 80% des procès portent sur des questions de propriété, car précise le journal, 90% des Burundais sont des paysans. La déception est grande chez ceux qui rentrent. Mais pour la première fois, conclut la TAZ, le Burundi a une chance de paix.