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Allemagne : l'asile est plus difficile à l'Est et en Bavière

Marco Wolter | Rodrigue Guézodjè
7 novembre 2019

Les chances d’obtenir le droit d’asile en Allemagne peuvent varier en fonction de la région dans laquelle un migrant dépose sa demande. C'est ce qui ressort de chiffres ayant fuité dans la presse.

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Registrierung von Flüchtlingen
Des demandeurs d'asile attendent l'ouverture d'un bureaud'immigration à BerlinImage : Imago/IPON

22 bureaux de l’Office fédéral des migrations (BAMF) sont dans le viseur depuis des informations révélées par le réseau de radio et de télévision publique allemand ARD. Dans ces centres, les chances de voir aboutir sa demande d’asile sont parfois plus de 30% plus faibles qu’ailleurs en Allemagne, malgré des règlementations nationales qui fixent les mêmes conditions d’éligibilité au droit d’asile pour l’ensemble du pays. Selon ces informations, les bureaux en question se trouvent à Berlin, dans l’Est de l’Allemagne, et en Bavière.

Les révélations de la ARD se basent sur des chiffres fournis par le ministère allemand de l’Intérieur qui répondait à une requête du parti d’opposition de gauche Die Linke.

"Une loterie cynique"

L’une des expertes en politique intérieure de Die Linke estime que "le manque de supervision du BAMF font de la demande d’asile une loterie cynique". Selon Ulla Jelpke, "il y a d’importantes déficiences à certains endroits, ce qui fait qu’un très grand nombre de demandes d’asile sont rejetées. Tous ceux qui demandent la protection doivent pourtant avoir les mêmes chances dans toute l’Allemagne."

Le fonctionnement des bureaux d’immigration en charge des demande d’asile varie d’un Land (Etat fédéré, l’Allemagne en compte 16) à un autre et selon Mme Jelpke, la Bavière pose particulièrement problème. Son gouvernement conservateur a tout fait pour fermer les petits bureaux et les remplacer par de grandes structures - les fameux "centres d’ancrage" - où l’ensemble du processus de demande d’asile, de l’arrivée d’un migrant à son éventuelle expulsion, est géré dans un seul et même lieu. "Le fait que le taux de protection offert dans les centres d’ancrage bavarois est si faible répond à un objectif politique", affirme Mme Jelpke. Pour elle, "ces camps doivent être définitivement fermés."

L’Est de l’Allemagne et la Bavière

Deutschland Registrierung von Flüchtlingen
Image : picture-alliance/dpa/A. Weigel

Selon l’enquête de la ARD, c'est à Berlin-Est, Chemnitz, Dresde en dans d’autres villes plus petites dans l’Est de l’Allemagne, que les chances d’obtenir l’asile sont les plus faibles. Les nationalités les plus touchées par les refus sont les Irakiens, les Afghans, les Turcs, les Iraniens et le Somaliens. 

Cette année, en moyenne, 53 % des demandes formulées par les Irakiens en Allemagne ont été approuvées. Mais dans la ville est-allemande de Chemnitz, cette moyenne n’a atteint que 32% pour 2019. Dans la ville de Halberstadt, ce taux passe même à seulement 28 %. 

Cette tendance s’observe aussi pour les Turcs. Au niveau national, près de la moitié des demandes d’asile sont accordées, alors qu’à Berlin ce taux est de seulement 23% et à Chemnitz de 20%. L'unique ville de l’Ouest de l’Allemagne figurant dans cette liste est Hambourg, où seules 25% des demandes déposées par des ressortissants turcs ont été acceptées cette année. 

Le plus grand écart de moyennes a néanmoins été observé en Bavière, notamment pour les personnes fuyant les violences en Somalie. Sur le plan national, 67% des demandeurs ont obtenu l’asile, ce qui fait des Somaliens l’une des nationalités au taux de protection parmi les plus élevés en Allemagne. Pourtant, dans les centres d’ancrage bavarois de Zirndorf et de Schweinfurt, ce taux de protection était de 20% plus faible. 

Le BAMF rejette les chiffres de la ARD

Le BAMF se défend et assure que "tous ses employés suivent la même formation qui évolue constamment". L’agence estime que les migrants d’une même nationalité "restent un groupe hétérogène" au sein duquel certains sont éligibles au droit d’asile et d’autres non. 

Le BAMF affirme aussi qu’une étude interne a montré que seuls deux bureaux d’immigration n’étaient pas dans les normes, ce qui a essentiellement affecté des Nigérians et Erythréens. Ces deux bureaux, dont on ne connait pas la localisation, seraient actuellement sous le coup d’une enquête.

 

"Catastrophique"

Bernd Mesovic, de l’ONG de défense des migrants Pro Asyl, note que "les enquêtes internes du BAMF sont opaques, ils ne disent pas sur quoi ils enquêtent et comment." Pour M. Mesovic, la réaction à la vague de réfugiés de 2015 a été "assez catastrophique", car '"les politiques n’ont pas réagi assez rapidement face aux arrivées, donnant au BAMF et à d’autres agences l’autorisation de recruter autant de personnel que nécessaire. Quand ils l’ont fait, ces personnes recrutées ont passé des formations à toute vitesse, d’autres n’ont passé aucune formation." M. Mesovic admet néanmoins que "les choses se sont améliorées récemment".  

Par ailleurs, il cite une étude conduite par l’université de Constance qui a montré un lien évident entre les taux de protection faibles et la xénophobie et la discrimination qui règne dans certaines régions.

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Marco Wolter Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_francais