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Mali : que s'est-il passé dans le village de Nia Ouro ?

9 septembre 2022

La Deutsche Welle s'est penchée sur les accusations de pillage, d’agressions sexuelles et de viols sur des femmes du village.

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Un groupe de femmes et d'enfants assis dans un village
Des violences sexuelles et des pillages auraient été commisImage : Boureima Hama/AFP/Getty Images

Depuis le début de l’année, l'armée malienne mène de nombreuses opérations militaires pour "traquer" les groupes djihadistes dans le centre du Mali. Ce dimanche 4 septembre, l’opération concernait les villages de Tandiama et Nia Ouro. Selon les témoignages recueillis, l’armée malienne, accompagnée de mercenaires russes et de chasseurs traditionnels dozos, était à la recherche de djihadistes.

"Les chasseurs sont rentrés dans ma maison, ils ont demandé à ma femme où je me trouvais. Ils m'ont appelé. Ils (les chasseurs dozos) m'ont dit que ce sont les militaires qui m’appelaient. Je suis sorti. C'étaient les chasseurs avec les militaires maliens et des militaires de Wagner", confirme un de nos témoins que nous avons, par sécurité, décidé de surnommer Moussa. 

Ils ont mené des contrôles d’identité. Moussa affirme qu'" ils m’ont demandé si, depuis que je suis dans le village, j'avais vu des gens de Nia Ouro collaborer avec des djihadistes. J’ai dit : non, je ne sais pas. Ils m’ont amené chez leur chef qui a ordonné qu’on me ligote les mains et me bande les yeux et qu’on m’emmène à la base de Sofara."

Des exactions humiliantes sur des femmes

Un groupe de femmes et d'enfants traverse un village
Les mercenaires russes auraient arraché les pagnes des femmesImage : Mehmet Kaman/AA/picture alliance

Moussa va passer 48 heures à la base de Sofara, chef-lieu de la commune situé à environ 15 kilomètres de Nia Ouro. Il est emprisonné et interrogé avec plusieurs autres habitants du village. Il est ensuite relâché le mardi (06-09). De retour dans son village, il apprend que des femmes auraient subi des actes humiliants. 

"C'est ma femme qui m'a dit que des vieilles femmes ont été déshabillées et qu’elles ont été prises en photo. Il y a une femme qu’ils ont déshabillée et qu’ils ont voulu violer mais elle a tellement pleuré qu’ils l’ont laissé", rapporte notre témoin.

Selon plusieurs sources, les chasseurs traditionnels dozos, qui collaborent avec l’armée malienne, ont ensuite pillé le village. Ils ont emporté de l’or de l’argent et même du bétail.  

Nous avons joint l’Association malienne des droits de l’homme pour confirmation de ces accusations d’agressions sexuelles, mais celle-ci enquête toujours sur ces faits.

Nia Ouro soupçonné être un refuge des djihadistes

Le village de Nia Ouro et d’autres villages environnants sont fréquemment contrôlés par l’armée malienne et ses supplétifs russes. Nia Ouro serait considéré par l'armée comme un repère djihadiste.  

Des soldats lourdements armés se déplacent au Mali
Selon plusieurs sources, les Fama et les mercenaires russes occupent encore Nio OuroImage : Etat-major des armées / France

"Ce sont des localités qui ont connu une présence massive de groupes radicaux violents. Elles ont par moment été obligées d'accueillir des éléments d'Amadou Koufa", explique Aly Tounkara, directeur du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel.

"Depuis cette installation de la Katiba Macina d'Amadou Koufa, ces localités peuvent apparaître aux yeux de l'armée malienne comme une sorte de QG ou une sorte de lieu de refuge pour les groupes radicaux violents, d’où des passages réguliers des éléments des forces de sécurité. De là, peut-on tomber dans un raccourci collectif qui consisterait à dire que toutes les localités aujourd'hui qui connaissent la présence des hommes d'Amadou Koufa seraient de facto complices de ces hommes ?", se demande l'expert. 

Ce n’est pas la première fois que l'armée malienne et des "soldats blancs" sont accusés d’avoir commis des exactions. En août dernier, un rapport du Groupe d'experts de l'Onusur le Mali avait confirmé leur implication dans la mort de 33 civils, dont 29 Mauritaniens et quatre Maliens, début mars dans la région de Ségou, proche de la frontière mauritanienne.  

Nafissa Amadou Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_afrique