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Au Tchad, des marchands ambulants de plus en plus jeunes

Blaise Dariustone
8 août 2019

Au Tchad, certains de ces enfants ont parfois moins de dix ans. Ceux-ci parcourent les quartiers de la capitale N'Djamena pour vendre de petites marchandises. La pauvreté est une des raisons principales de ce phénomène.

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Tschad  Alltag Markt
Image : Getty Images/I.Sanogo

Ils sont vendeurs d'œufs, de chaussures, d’arachides, de galettes, de condiments et d'autres articles en tous genres. Des gamins que l’on rencontre dans presque toutes les artères de la ville. Des enfants issus de familles démunies qui se voient obligés de pratiquer ce type de commerce pour survivre et préparer la nouvelle rentrée scolaire. 

Madjadoum est l’un de ces enfants rencontrés au sortir d’un petit marché au quartier Chagoua en plein après-midi. Il est âgé de 10 ans et est en classe de CE1 (Cours élémentaire 1ere année).

"C’est la deuxième année que j’exerce cette activité. L’année dernière j’avais vendu des œufs que ma maman m’a donnés. Cette année, elle m’a acheté des serviettes Lotus et des biscuits que je suis en train de vendre pour préparer ma rentrée scolaire", raconte-il. "Mon papa est mort, et ma maman ne travaille pas donc je n’ai pas d'autre choix que de me débrouiller comme ça."

Beaucoup de risques

Ces enfants sont exposés à des dangers de toute sorte. Il arrive que des personnes de mauvaise foi repartent avec des articles sans payer comme le raconte Sandrine, 14 ans, élève en classe de CM2 (Cours moyen 2e année). Visiblement fatiguée et triste, elle raconte son calvaire. 

"Je vends des galettes, mais parfois quand j’arrive dans des bars, il y a des clients qui commandent mes galettes et après ils ne me donnent pas tout mon argent", explique-t-elle, visiblement fatiguée et triste. "Et quand je rentre et que j'explique cela à ma maman, elle pense plutôt que c’est moi qui ai mangé les galettes. Mais même quand j’ai faim je ne peux pas manger ces galettes au risque d’avoir des problèmes avec ma maman."

Même si les parents démunis encouragent cette pratique faute de moyens, d'autres ne veulent pas en entendre parler, comme Hassan Adoum. "Moi, je suis contre cette pratique, par ce que un enfant de dix ans habitué à l’argent ce n’est pas une bonne chose", explique ce père de deux enfants. "Nous parents, nous devons instruire nos enfants d’une bonne manière. Ces enfants sont exposés à beaucoup de risques, parfois il leur arrive un accident. Et puis, un enfant habitué à l’argent ne va pas continuer ses études. Il risque de devenir un bandit ou un délinquant."

L'irresponsabilité des parents et de l'Etat

Pour Ablaou Issala, chef de service de protection judiciaire de l’enfant au ministère de la Justice cette situation est dûe aussi à l’absence d’un texte pouvant servir de lutte contre cette pratique.  "On a entre-temps un vieux texte sur la question de la circulation des enfants appelé le décret 100 de 1963 qui essaye de cadrer le déplacement des enfants d’un endroit à un autre", explique-t-il. "Mais vous voyez que ce décret dans la pratique pose sérieusement problème du moment où il est peu respecté. Et étant donné que le phénomène ne fait que se répandre, c’est un décret qu’il faut essayer de revoir pour l’adapter aux circonstances actuelles. Il y a une irresponsabilité des parents mais aussi de l’Etat."

Pour beaucoup d’observateurs, cette pratique est assimilable au travail des enfants défini par l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Une activité qui prive les enfants de leur enfance, qui altère leur potentiel et leur dignité et qui porte préjudice à leur santé physique et psychique. Dans la capitale tchadienne, ces ventes sauvages exposent d'ailleurs les enfants, et notamment les petites filles, au risque de viols, d'agressions ou encore d'enlèvements.