Berlin ravitaillé uniquement par les airs / L'Europe et la réélection d'Erdogan | PROGRAMME | DW | 27.06.2018
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PROGRAMME

Berlin ravitaillé uniquement par les airs / L'Europe et la réélection d'Erdogan

Il y a 70 ans débutait le "pont aérien de Berlin". Pendant près d'un an, alors que les accès terrestres à l'Ouest de la ville sont coupés, des centaines de milliers d'avions ravitailleront plus de deux millions de personnes par les airs. Vu d'Allemagne vous emmène aussi en Turquie. Après la réélection d'Erdogan l'Union euroéenne doit apprendre à travailler avec le président aux pouvoirs élargis.

Des centaines de milliers d'hommes et d'avions mobilisés pour ravitailler une partie de Berlin en nourriture, carburant ou encore médicaments, seulement par avion, pendant près d'un an ! C'était il y a 70 ans. En 1948, trois ans après la fin de la seconde guerre mondiale qui a fait près de 40 millions de morts, l'Allemagne est occupée. Soldats et administrations américaine, britannique, française et soviétiques se partagent le pays. Quatre secteurs bien définis par ceux qui ont vaincu le régime nazi.

L'Allemagne divisée

Sur une carte, on voit l'Ouest d'un côté, régi par les Américains, Anglais et Français, sous un régime libéral, avec une économie de marché, et l'Est, communiste, géré par les soviétiques. C'est dans cette partie est que se situe Berlin avec un régime particulier. La ville est en zone soviétique, mais elle est un îlot à part, divisée elle aussi en quatre zones, gérées là encore par les Américains, Anglais, Français et Soviétiques.

Deutschland Besatzungszonen Grafik Illustration Luftbrückenkorridor West-Berlin

La carte montre les quatre zones d’occupation après la guerre de 1945. Berlin est à l’Ouest, en zone soviétique, mais la ville est divisée en quatre, comme le reste du pays.

On est alors en pleine période de guerre froide. Un affrontement idéologique, et parfois militaire aussi, entre l'URSS communiste et les Américains, soutenus par les régimes occidentaux. À Berlin l'heure est à la reconstruction. C'est alors que le 20 juin 1948 les alliés Américains, Anglais et Français décident d'instaurer une monnaie commune pour le secteur ouest : le Deutsche Mark. Ils veulent stabiliser l'économie allemande. Sauf que l'URSS craint une domination occidentale, de part la monnaie, sur l'Allemagne et sur Berlin, et va tenter de bloquer cette mise en place.

La nuit du 24 juin 1948

Berlin - Tempelhof 1948

Les premiers avions partaient de Tempelhof, aéroport qui servira jusqu’en 2008 à Berlin.

Dans la nuit du 24 juin 48 les Soviétiques coupent tous les accès terrestres à Berlin-Ouest. Bientôt les lumières s'éteignent également par manque d'électricité. L'Est veut faire pression sur les habitants pour, in-fine, faire craquer les Alliés. Gehard Bürger vit alors à Berlin-Ouest et se demande ce qu'il se passe. "La peur que les Américains nous abandonnent, qu'on soit entre les mains des Russes, était vraiment très grande. Chez tous les Berlinois", raconte-t-il.

Mais les alliés tiennent tête. Berlin, l'ancienne capitale de l'ennemi nazi récemment défait, représente énormément à leurs yeux. La ville est vue comme un rempart à défendre contre le communisme. Sauf qu'aucun accord n'a été conclu avec les Soviétiques quant à l'utilisation des routes. Ils ne peuvent rien faire contre le blocus mis en place. Les deux millions de Berlinois de l'Ouest sont bientôt menacés de famine. "Le rationnement normal a commencé a être durci. L'électricité a été coupée rapidement. C'était vraiment un tournant dans la vie, sur lequel on ne pouvait pas agir", raconte Eberhard Schönknecht, habitant de la capitale à l'époque lui aussi.

Un avion toutes 90 secondes

C'est à ce moment-là que le président américain Harry Truman, en consultation avec les Alliés, décide d'une opération de sauvetage spectaculaire : l'approvisionnement du secteur ouest, par les airs. "L'idée de base d'effectuer un pont aérien était soutenue par les Alliés, car il n'y avait pas d'alternatives. C'est ainsi que ce pont aérien provisoire, l'idée inimaginable de subvenir aux besoins de deux millions de personnes via les airs, est mis place", explique aujourd'hui Bern von Kostka de musée des Alliés à Berlin.

Berlin, Blockade 1948/49 / Foto - -

Les avions à hélices passaient très près des habitants.

Le 26 juin, les premiers avions de l'US Air Force partent de Francfort et de Wiesbaden vers l'aéroport de Tempelhof à Berlin. Les Anglais sont mobilisés aussi. Les Français eux, qui avaient souffert de l'occupation allemande et font la guerre en Indochine, apporteront un soutien plus réduit au départ.

Des milliers d'avions survolent bientôt Berlin. Toutes les 90 secondes un avion atterrit sur l'aéroport de Tempelhof dans le secteur américain. Dès novembre d'autres rotations auront aussi lieu, sur un second aéroport, celui de Tegel, construit en à peine trois mois par les forces françaises aidées des Berlinois.

Deux millions de personnes à aider chaque jour

Ce cadencement infernal, à peine croyable, n'est pas de trop. Chaque jour la partie ouest de Berlin a besoin de 5 à 6000 tonnes de nourriture et de charbon. Les pilotes du pont aérien, constamment en action, fatigués, risquent leur vie en survolant la ville par tous les temps. Certains avions s'écraseront même. Les Berlinois eux voient les appareils, parfois juste au-dessus de leur tête. D'ailleurs les pilotes lancent parfois chocolats et chewing-gum aux enfants, depuis leurs cabines.

Mais même avec les ravitaillements, la vie n'est plus tout à fait normale. "Il faut s'imaginer ce que cela signifie, en hiver, de n'avoir qu'une heure d'électricité par jour et par maison ! C'était comme ça parce qu'on devait amener le charbon pour les centrales par avion", raconte l'historien Walther Hofe. "Et en plus l'heure d'électricité disponible ne l'était pas toujours au même moment donc vous pouviez vous retrouver à cuisiner votre seul repas chaud de la journée à 1h du matin ! Le chauffage on n’en parlait même pas. Ce sont des épreuves incroyables que la population a endurées."

Un appel historique

Lors d'un discours historique, le 9 septembre 1948, devant 300 000 personnes, le maire de Berlin Ouest de l'époque Ernst Reuter (SPD) appelle d'ailleurs le monde à ne pas laisser tomber Berlin Ouest et ses habitants. "Vous peuples du monde. Peuples d'Amérique, d'Angleterre, de France ... Regardez cette ville et comprenez que vous n'avez pas le droit d'abandonner cette ville et ce peuple", lance-t-il à l'époque.

Combat vis-à-vis de l'opinion publique

Chaque jour qui passe pendant le blocus, l'Ouest gagne en sympathie dans l'opinion public internationale face à l'Union soviétique. Le 12 mai 1949 le dirigeant soviétique Joseph Stalin se rend compte qu'il ne gagnera pas sa partie de poker. Il abandonne le blocus de Berlin en place depuis près d'un an après des négociations secrètes avec les américains. Le pont aérien prendra fin progressivement. Au total quelques 260 000 vols auront été nécessaires ! Plus de 2 millions de tonnes de nourriture, charbon ou médicaments transportées.

59. Jahrestag der Beendigung der Berlin-Blockade

Aujourd’hui un mémorial rend hommage aux aviateurs mort pendant le pont aérien de Berlin.

Une période qui aura aussi des conséquences politiques et géopolitiques : les Allemands, à l'Ouest en tous cas, se sentent à nouveau inclus dans la communauté des pays occidentaux. Un retour après les terribles ressentiments laissés par la guerre. "Les Allemands ont travaillé de façon très rapprochés avec les Alliés de l'Ouest pendant ce pont aérien. Ils n'ont ainsi plus vu les forces d'occupations alliées seulement comme des forces d'occupation, mais aussi comme des forces de soutiens", explique Bern von Kostka.

Le début d'années de coopération entre l'Allemagne et les Etats-Unis notamment, même si cela ne se fera pas du jour au lendemain. Pour les habitants de Berlin, la fin de ce pont aérien ne représentera pourtant pas la fin des problèmes. 12 ans plus tard, en 1961, un mur sera construit dans la ville pour séparer l'Est et l'Ouest. 155 kms de béton qui couperont tout contact entre les deux parties pendant plus de 28 ans.

 

L'Union européenne contrainte de travailler avec un Erdogan aux pouvoirs renforcés

Dans le seconde partie de ce magazine, Vu d'Allemagne vous emmène en Turquie. Dans le pays qui compte près de de 80 millions d'habitants, Recep Tayyip Erdogan a gagné son pari, dimanche dernier. Réélu au premier tour, avec près de 52,5% des voix, il remporte aussi, avec son allié nationaliste, du MHP la majorité absolue au Parlement.

Désormais, l'opposition en Turquie ainsi que l'Europe devront apprendre à dialoguer avec Erdogan. D'autant qu'à la tête du pays depuis quinze ans, le chef de l'Etat turc voit ses pouvoirs renforcés grâce à ce scrutin. Car cette élection marque aussi le passage du système parlementaire actuel à un régime présidentiel. La fonction de Premier ministre sera supprimée, le chef de l’Etat pourra gouverner par décrets. Il décidera aussi de la politique monétaire du pays.

Rare lot de consolation pour l’opposition, le parti pro-kurde HDP a dépassé le seuil obligatoire des 10% pour entrer au Parlement. "Cela va obliger, à mon sens, le parti AKP et le parti pro-kurde à retrouver un dialogue", estime Bayram Balci, chercheur en sciences politiques et directeur de l’Institut français d’études anatoliennes à Istanbul.

Turquie et Union européenne

Lundi, la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini a critiqué les conditions de la campagne électorale en Turquie. Elle estime qu'elles n'ont pas été "équitables". De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel a félicité le président Recep Tayyip Erdoğan. Elle a fait part de son souhait pour la Turquie d’être un Etat de droit, stable et pluraliste.

"La Turquie n’est pas dans l’Union européenne mais elle est déjà européenne. Il y a un tel niveau d’interdépendance au niveau de la question des migrants et de l’économie. L’Europe va devoir faire avec la Turquie, parce que c’est dans son intérêt", estime Bayram Balci.

Reportage et décryptage complet de Solène Permanne à Istanbul à écouter dans ce magazine. Notez encore qu'en Allemagne, 2,8 millions de personnes vivent avec la nationalité turque ou des origines turques. Plus d'un million et demi étaient appelées à voter la semaine dernière. La moitié l'ont fait et 65% se sont prononcés en faveur de Erdogan.

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