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Cameroun : la jeunesse, entre traditions et modernité

Henri Fotso
12 mars 2021

A Douala, les jeunes s'expriment sur la circoncision et l'excision, deux pratiques répandues dans plusieurs pays africains.

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Image : DW/Y. Ibrahim Jargaba

Nous sommes un dimanche, il est 8h30. A l'angle d'une rue du quartier Bali, à Douala se tient une réunion d'initiation des jeunes autochtones au domicile du patriarche Valère Epée, le formateur. 

Bilè Bilè, l'un des jeunes apprenti,  tient un bloc-notes et suit les instructions données par le patriarche sawa"Nous sommes ici pour apprendre. C'est ainsi que ça se passait déjà avant. Nous apprenons notre culture, notre tradition. Donc, en tant qu'élèves appelés à prendre la relève, nous devons bien évidemment prendre des notes. Les notes que nous prenons peuvent nous amener à nous retrouver des années bien après." 

Moukoko Elamè, un autre jeune de cette réunion discrète, pour ne pas dire secrète, à laquelle nous sommes exceptionnellement acceptés, parle de la circoncision comme d'un acte sacré : "Chez nous les Africains, tout ce qui concerne le corps humain peut aussi devenir un acte sacré qui est entouré d'un certain rituel. Alors, aujourd'hui, les garçons sont circoncis pour la plupart très jeunes. Mais avant, et dans beaucoup de traditions africaines, ça se passait à un âge avancé, près de l'adolescence. La douleur ressentie est entouré de tout un rituel qui permet au garçon de devenir réellement un homme."

La lutte traditionnelle fait partie des pratiques traditionnelles les plus prisées en Afrique
La lutte traditionnelle fait partie des pratiques traditionnelles les plus prisées en AfriqueImage : DW/Y. Ibrahim Jargaba

Pratiques sacrées

La pratique ancestrale ou traditionnelle de la circoncision comme acte sacré et rituel est connue de presque toutes les tribus du Cameroun. A l'adolescence, Pierre Bouidan, la vingtaine révolue, originaire de la région de l'Extrême-Nord, est passé par la circoncision et le rituel qui l'entoure. "Cela se passe comme une blessure que vous avez et qui se cicatrise par la suite", dit-il, avant d’ajouter "parce que c'est la fête, on nous dépose en brousse avec les vieux, les grands-pères, les anciens du village. C'est comme un rituel chez nous. On danse."

Pour Bilè Bilè, natif de Douala, "cette pratique permet au jeune garçon d'entrer avec fierté dans la vie d'adulte. D'ailleurs, ceux qui ne sont pas circoncis ont toujours un complexe. C'est un complexe justifié. Effectivement, ce sont des hommes, mais ce ne sont des hommes qu'à moitié." 

Il ajoute que "par exemple, quand on entre dans l'acte sexuel, par rapport à ma propre expérience, par rapport à ma propre lecture, je pense que les hommes qui sont circoncis ont quelque chose de plus. Et je peux vous dire également que les femmes préfèrent les hommes qui sont circoncis à ceux qui ne le sont pas."

Les traditions africaines sont de plus en plus mises en valeur par les jeunes du continent
Les traditions africaines sont de plus en plus mises en valeur par les jeunes du continentImage : DW/E. Lafforgue

En parallèle de la circoncision qui est un acte chirurgical masculin, se trouve l'excision chez la femme. Une pratique traditionnelle courante dans certaines régions du Cameroun et d'Afrique. Les jeunes femmes la subissent et les jeunes garçons comme Junior Evouna, originaire du centre du Cameroun, n'approuve pas cette pratique.

"Chez la femme, c'est une très mauvaise chose, parce que ça retire le plaisir. Quand on fait ça à une fille, je ne pense pas qu'elle ressente encore le plaisir et l'envie de vouloir avoir les rapports. Parce que l'homme peut tirer sa satisfaction. Mais elle, elle ne peut pas. Elle est là avec toi, mais elle n'est pas là parce qu'elle n'arrive pas à ressentir ce plaisir."

Moukoko Elamè va plus loin : "Si je ne me trompe pas, l'excision est la suppression du clitoris. Dans notre tradition, on ne rechigne pas à donner du plaisir à nos femmes, et on ne rechigne pas qu'elles en aient. Supprimer leur clitoris, c'est supprimer leur plaisir. C'est supprimer tout ce qui constitue l'essence même de l'acte sexuel et du mariage. Et on ne l'accepte pas." 

Halte à l'excision 

Mamou Doumbou qui désapprouve aussi l'excision reconnaît la circoncision comme une pratique ancestrale à perpétuer. 

Il fait partie des jeunes qui viennent s'initier à la tradition et à la culture sawa chez le patriarche Valère Epée.

Ecoutez le reportage de Henri Fotso

"Oui, c'est très important pour moi, parce que c'est un retour aux sources, et une façon pour moi de retrouver mon identité. Donc, je pense qu'à ce niveau-là c'est très important. La circoncision c'est propre aux Africains. Je pense que depuis l'Egypte, mon peuple l'a toujours pratiquée. Donc, ce n'est pas une pratique qu'on va attribuer au modernisme."

Souvent, dans les villages, on prend les enfants par classe d'âge qu'on met en rang. Chacun passe à son tour se faire ôter le prépuce. C'est à ce moment qu'il devient un homme, avec le droit de se marier, d'accéder à certains repas ou à certaines viandes ou parties de viandes.

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Par exemple, les non circoncis ne doivent pas - suivant certaines lois - manger le gésier, le boa ou la vipère. Marcel Elimbi, un jeune autochtone de Bali, souligne le savoir-faire ancestral.

"La circoncision est une pratique qui culturellement nous concerne. Au niveau médical, nos ancêtres, nos pères avaient par exemple une bonne capacité et une maîtrise des plantes cicatrisantes. Parce que pour faire cette ablation et que au bout de quelques jours tout cicatrise, on enrobait le pénis de l'enfant de quelques herbes. Cela démontre déjà que nos parents avaient cette bonne connaissance des plantes cicatrisantes."

Tout en approuvant la circoncision traditionnelle les jeunes Camerounais condamnent l'excision. Selon le site internet canalvie.com, au moins quatre études récentes réalisées en Afrique, en France et aux États-Unis, font ressortir certains avantages liés à la circoncision, en ce qui a trait à la propagation des maladies vénériennes.

La circoncision diminuerait ainsi de presque 60 % la probabilité pour les hommes d'être infecté par le virus de l'herpès, celui du papillome humain et du VIH.

Des études qui ont d'ailleurs amené l'OMS à inclure la circoncision des hommes adultes dans un programme de prévention de la propagation du SIDA en Afrique subsaharienne, même si en en aucun cas, la circoncision n'est une protection indiscutable contre le SIDA.

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