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Centrafrique: rien à voir avec la religion

Marie-Ange Pioerron14 mars 2014

Parmi les sujets africains qui ont retenu cette semaine l'intérêt de la presse allemande figure tout d'abord la Centrafrique où Gerd Müller, le ministre de la Coopération, vient d'effectuer une visite.

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Soldats gabonais à Sibut
Soldats gabonais à SibutImage : DW/S. Schlindwein

L'hebdomadaire Die Zeit publie un article signé par une Allemande qui a grandi en Centrafrique où son père était missionnaire. Les massacres qui se déroulent depuis décembre, écrit-elle, n'ont rien à voir avec la religion. Enfants nous jouions dans la brousse, nous mangions tantôt chez la mère des uns, tantôt chez la mère des autres. Nous nous serrions dans des cuisines enfumées et plongions le manioc dans la sauce. Cela peut sembler romantique, mais ne l'était pas. Les enfants étaient battus, un jour un époux a attaqué son rival à coup de machette. A la fin de l'école primaire je n'avais pratiquement plus d'amis. Les filles devaient travailler à la maison, les garçons étaient d'horribles machos. A onze ans je tenais dans mes bras l'enfant d'une camarade de jeu. Depuis, beaucoup d'autres enfants sont venus au monde. L'éducation n'a pas suivi. Les enseignants n'étaient pas payés, les écoles étaient souvent fermées. La Centrafrique, poursuit l'auteure, affiche toutes les caractéristiques d'un pays sous-développé. La pauvreté y est extrême, les gens n'ont aucune perspective. Il va de soi que cela engendre le désespoir et la recherche de boucs émissaires. Personne en Centrafrique ne tue pour son dieu. L'appartenance religieuse est vue d'un oeil pragmatique. Chacun est à la recherche du sortilège le plus puissant contre ses peurs. Le christianisme n'est ici qu'une option parmi d'autres, et ce n'est pas la plus mauvaise car ses partisans sont généralement bien nourris, roulent en voiture et se paient des voyages. Les Centrafricains aiment regarder ce que le marché de la spiritualité a à offrir, et expérimentent ce qui fonctionne. Cela n'a rien à voir avec le fondamentalisme religieux.

AK 47
AK 47Image : picture alliance / united archives

Anti-balles AK

Guerre de religion ou pas, toujours est-il que, comme le relève un quotidien allemand, des rebelles musulmans massacrent des chrétiens et des rebelles chrétiens massacrent des musulmans. La Frankfurter Allgemeine Zeitung note qu'à Bangui des quartiers entiers sont en ruine et que personne n'est capable de gouverner le pays. Le journal présente aussi à ses lecteurs des jeunes d'une milice antibalaka . Mathieu, l'un d'entre eux, ne veut pas dire s'il a tué des gens, ce n'est pour lui qu'un détail. Il est midi, note le journal, la bière et la drogue ont fait depuis longtemps leur effet. Mais pour autant que leur état le permette, ils sont prêts à repondre aux questions. Ce sont des assassins de masse polis. La FAZ fournit aussi une explication du mot "antibalaka". Antibalaka, écrit le journal, signifie en fait "anti-balles AK, " du nom du fusil d'assaut AK 47, l'arme standard de tous les rebelles en Afrique.

L'hebdomadaire Der Spiegel a rencontré pour sa part le commandant auto-proclamé des antibalaka à Bangui, Sylvestre Yagouzou, un ancien mécanicien dont le garage a été pillé lorsque les rebelles de la Seleka sont entrés l'an dernier dans Bangui. Quelques mois auront suffi, note le journal, pour plonger le pays dans un conflit sanglant. Un million de personnes sont en fuite. Même les malades doivent maintenant être transportés dans des véhicules blindés. Les musulmans ne peuvent plus enterrer leurs morts, car leur cimetière est proche des quartiers chrétiens. Et cela, c'est pour Bangui, souligne le journal, car on ne sait pas ce qui se passe à l'intérieur du pays.

Faustin Kayumba Nyamwasa
Faustin Kayumba NyamwasaImage : STEPHANE DE SAKUTIN/AFP/GettyImages
Antibalaka avec gris-gris
Antibalaka avec gris-grisImage : DW/S. Schlindwein

Nuages entre Pretoria et Kigali

Plus au sud, c'est la brouille entre le Rwanda et l'Afrique du sud. Pretoria a expulsé des diplomates rwandais, Kigali des diplomates sud-africains. Il s'agit là de mesures tout à fait inhabituelles entre pays membres de l'Union africaine. Et la presse s'en fait l'écho. La Neue Zürcher Zeitung par exemple, un journal suisse de langue allemande, rappelle les raisons de la colère de Prétoria, à savoir l'attaque du domicile de l'ancien chef d'état-major général rwandais Faustin Nyamwasa, réfugié à Johannesburg. Ce dissident rwandais a déjà survécu à deux attentats depuis qu'il a obtenu l'asile en Afrique du sud en 2010. Il y a deux mois, un autre opposant rwandais, l'ancien chef des services secrets Patrick Karegeya, a été assassiné à Johannesburg. Les deux hommes, note le journal, ont participé en 2010 à la création du Congrès national rwandais, un mouvement d'opposition qui reproche au gouvernement rwandais de réprimer toute contestation politique sérieuse. C'est effectivement le cas, mais ces dissidents ne sont pas non plus des enfants de choeur. Et poursuit le journal, s'ils sont tellement détestés par Kagamé c'est parce qu'ils connaissent beaucoup de secrets concernant les crimes de guerre commis par le FPR avant et après le génocide des tutsis. Ces crimes sont passés sous silence par Kigali.

Famille à Kiyego
Famille à KiyegoImage : picture-alliance/dpa

Sécurité sociale au Rwanda

Toujours à propos du Rwanda, un autre journal présente un bel exemple de réussite dans le développement du pays, c'est l'introduction d'un système d'assurance maladie qui couvre pratiquement toute la population. Comme l'explique le General-Anzeiger de Bonn, il a été introduit avec l'aide de la GIZ, la coopération technique allemande et a nécessité dix années de travail. Au début la cotisation était la même pour tous: 1000 francs rwandais, environ un euro, par personne et par an, indépendamment du revenu. Mais il est vite apparu qu'un tel système ne pourrait être financé. Raison pour laquelle trois niveaux de cotisation ont été introduits: les plus pauvres, soit 25% de la population, ne paient rien. Les autres niveaux de cotisation se situent, selon le revenu, à 3 000 et 7 000 francs rwandais par personne. Ce qui signifie que dans une famille, tout le monde, du nourrisson au vieillard, doit s'acquitter d'une cotisation. Le tout fonctionne selon le principe de l'auto-estimation, poursuit le journal. Chaque foyer déclare à quel groupe de revenu il appartient - mais il doit le justifier devant la communauté villageoise, qui doit donner son approbation.