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Deux poids deux mesures pour la Côte d'Ivoire

Marie-Ange Pioerron22 février 2013

Il est encore question du Mali dans la presse allemande. Mais les journaux s'intéressent aussi au dossier Laurent Gbagbo. L'audience de confirmation des charges contre l'ancien président ivoirien a débuté à la CPI.

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Laurent Gbagbo le 19 février 2013 à la CPIImage : Reuters

Cela suscite de nombreuses réactions dans la presse, des réactions qui vont largement dans le même sens pour dénoncer une justice du deux poids deux mesures. Comme l'écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung, une chose est certaine: dans le conflit ivoirien, les deux camps ont du sang sur les mains. Or dans le cas de la Côte d'Ivoire, le parti pris des procureurs de la CPI est de nature à renforcer le sentiment, largement répandu en Afrique, qui veut que la CPI ne soit pas indépendante mais politiquement téléguidée. Même les Nations unies, qui ont pris une part active à la chute de Laurent Gbagbo, ont clairement dénoncé les graves atteintes aux droits de l'homme commises par les ex-rebelles. Or aucun de leurs dirigeants n'a été jusqu'à ce jour inquiété. Les Ivoiriens aimeraient bien regarder vers l'avant, mais il n'y a pour cela que deux possibilitès: soit une amnistie pour tous, soit des procès contre tous ceux qui ont été impliqués dans la barbarie.

Bürgekrieg in Elfenbeinküste in 2011
Aorès un massacre dans l'ouest de la Côte d'Ivoire en mai 2011Image : dapd

La Süddeutsche Zeitung relate quelques-uns des crimes que Human Rights Watch reproche à Guillaume Soro et à ses anciens rebelles. Et le journal déplore expressément que Soro, aujourd'hui président de l'assemblée nationale ivoirienne, échappe à la CPI. Ce n'est pas Soro, écrit le journal, qui comparait devant les juges de la CPI mais uniquement son ancien adversaire: le vaincu, le perdant de la lutte de pouvoir. Si l'accusation de crimes contre l'humanité est confirmée contre Laurent Gbagbo, le procès qui s'ouvrira alors à La Haye mettra en lumière le dilemme de la jeune justice internationale, entre idéaux et realpolitik. Au yeux de la Berliner Zeitung, le président Alassane Ouattara a bien fait de livrer Laurent Gbagbo à la CPI. S'il avait fait juger son ancien adversaire politique en Côte d'Ivoire, on aurait vite parlé d'une justice de vainqueur. Car pendant les quatre mois de guerre civile en 2010/2011, les partisans de Ouattara ont massacré eux aussi des centaines de civils. Il serait donc souhaitable, poursuit le journal, que la CPI enquête sur les crimes présumés des deux camps. Mais il n'est pas non plus à exclure que la CPI, pour préserver son image d'impartialité, renonce à un procès contre Gbagbo. Cela équivaudrait à une amnistie pour tous.

Malischer und französischer Soldat
Soldats français et malienImage : picture alliance / dpa

Logique militaire au Mali

Au Mali la mission européenne de formation de l'armée malienne commence à se mettre en place. La participation allemande à cette mission a été entre-temps avalisée par les députés. Comme l'explique die tageszeitung, le mandat de l'armée allemande au Mali se compose de deux volets. La participation à la mission européenne de formation, dans le sud du Mali, sera numériquement la plus importante - 180 soldats - mais la moins coûteuse puisque ses coûts sont estimés à 13,5 millions d'euros. Il ne s'agira pas d'une mission de combat. L'appui aux troupes de combat africaines et françaises, est plus délicat. Avec un maximum de 150 soldats, mais des coûts prévus de 42 millions d'euros elle sera quatre fois plus chère, par soldat, que la composante européenne.

Feldlazarett der Bundeswehr
Hôpital de campagne de l'Armée allemandeImage : picture alliance / dpa

Dans un autre article, paru jeudi, le même journal évoque l'enlèvement de sept Français dans le nord du Cameroun et y voit un prolongement de la guerre au Mali. Et puis, toujours dans die Tageszeitung, Thomas Gebauer, le secrétaire général de l'organisation humanitaire allemande medico international signe une tribune libre sur le Mali. Selon lui l'échec de l'intervention en Afghanistan risque de se répéter au Mali car une fois de plus l'engagement de l'étranger est dominé par la seule logique militaire. Une fois de plus le débat porte exclusivement sur l'utilité ou non des moyens militaires, et non sur la détresse sociale de la population. Les problèmes du Mali, souligne Thomas Gebauer, ne sont pas tombés du ciel. Parmi les causes de l'escalade des conflits au Sahel figure la politique européenne de libre-échange, avec ses conséquences destructrices par exemple pour la production malienne de coton. Il faut également citer le bradage des ressources nationales à des investisseurs étrangers. Le Mali est le troisième producteur d'or en Afrique, mais 8% seulement des recettes profitent à la société malienne. L'accaparement des terres, devenu un problème dans toute l'Afrique, profite à un pays comme la Libye. Elle s'est assuré par des contrats à long terme l'exploitation des meilleures terres agricoles le long du fleuve Niger. Qui ne veut pas décevoir les espoirs des Maliens ne doit pas en rester à l'envoi d'instructeurs militaires, poursuit le secrétaire général de medico international. Il est par exemple urgent que l'Union européenne en finisse avec ses subventions à l'exportation, qui menacent depuis longtemps l'existence des petits paysans africains. Une politique qui veut se consacrer sérieusement à la cause de la paix doit veiller à des rapports d'échange économique plus justes, sans quoi un pays économiquement faible comme le Mali n'a aucune chance de connaitre un développement socio-économique autonome.

Mamphela Ramphele, afrikanische Aktivistin
Mamphela RampheleImage : picture-alliance/dpa

Un défi pour Jacob Zuma

On termine par l'Afrique du sud, où l'ANC, le parti au pouvoir, risque d'avoir bientôt un sérieux concurrent. Une ancienne militante anti-apartheid se propose en tout cas de défier Jacob Zuma. Elle s'appelle Mamphela Ramphele, elle fut la compagne de Steve Biko, et à 65 ans, écrit la Süddeutsche Zeitung, elle a annoncé vouloir se lancer avec son propre parti dans les élections de 2014 pour défier Jacob Zuma. Ce parti n'existe pas encore, Mamphela Ramphele n'est pour l'instant qu'à la tête d'une nouvelle organisation politique appelée "Agang", un mot de la langue sepedi qui signifie "Nous bâtissons". Mais l'ancienne militante anti-apartheid sait attirer l'attention sur elle, poursuit le journal. Et si personne ne doute de la réélection de Zuma en 2014, beaucoup de Sud-Africains sont déçus par l'ancien mouvement de libération qui n'arrive pas à combattre la misère de millions de personnes. Beaucoup sont également révoltés par la corruption et le népotisme qui sévissent chez les cadres de l'ANC.