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Emmanuel Macron : " L'Europe doit se faire respecter ! "

10 mai 2018

Dans l'entretien exclusif qu'il a accordé à la DW et à la télévision allemande ARD, le président français revient notamment sur le nucléaire iranien et la réforme de l'Europe

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Karlspreis 2018 zu Aachen | Emmanuel Macron, Präsident Frankreich | DW-Interview
Image : DW/B. Riegert

Interview DW exclusive avec Emmanuel Macron

Aujourd'hui, à Aix-la-Chapelle en Allemagne, le Chef de l'Etat français recevra le prix Charlemagne récompensant "sa vision forte pour une nouvelle Europe". C'est dans le cadre de cette visite qu'Emmanuel Macron a accordé une interview exclusive à la radio télévision internationale DW et la chaine publique de télévision allemande ARD. Un échange durant lequel le président francais a notamment "regretté" le retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien et réitéré sa volonté de faire avancer l'Europe.

Vous avez essayé de sauver à tout prix l'accord iranien lors de votre visite à Washington. Pourquoi vous n'avez pas réussi?

Emmanuel Macron: A Washington, je l'ai d'ailleurs dit, j'avais compris que le président Trump voulait sortir de l'accord nucléaire de juillet 2015. C'est d'ailleurs pour cela que dès la conférence de presse commune avec ce dernier, j'avais proposé que l'on travaille sur un cadre plus large. Nous y sommes. Je regrette la décision du président américain. Je pense que c'est une erreur et c'est pourquoi, nous Européens avons décidé et nous l'avons redit hier soir de rester dans le cadre de l'accord nucléaire de 2015, et j'ai eu l'occasion de le rappeler tout à l'heure au président Rohani. Cet accord, nous l'avons négocié, nous l'avons signé, et il est celui qui permet de contrôler le mieux l'activité nucléaire de défense en Iran jusqu'à 2025. Je pense que cet accord, il faut le compléter sur le nucléaire après 2025, sur les activités balistiques de l'Iran dans la région et sur les activités régionales de l'Iran en particulier en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban. Ce qu'il nous faut absolument aujourd'hui, c'est entre pays européens, en tout cas avec l'Union Européenne, le Royaume Uni, l'Allemagne et la France, réaffirmer notre attachement à l'Accord nucléaire de 2015 pour que le régime iranien ne reprenne pas ses activités. 

Monsieur le Président, vous dites que les Européens vont essayer de garder cet accord, mais que vaut l'accord sans les Etats Unis?

Emmanuel Macron: C'est un débat que nous aurons dans les prochains jours et les prochaines semaines, et c'est en tout cas le mandat que nous avons donné à nos ministres des affaires étrangères côté européen, comme côté iranien. La question est de savoir est-ce qu'on pense que tout s'arrête parce qu'une partie signataire sort? Les autres réaffirment leurs engagements.

Mais nous sommes face à une situation très dangereuse et sérieuse. Jusqu'à quel point les relations transatlantiques sont-elles endommagées?

Emmanuel Macron: Il y a des éléments de tension mais il y a aussi des éléments d'ancrage, des liens très forts. Sur l’Iran, nous avons un désaccord, je pense que l'on peut essayer de le dépasser. Nous avons ensuite des éléments de désaccord sur le plan commercial, sur ce sujet je crois que l'Europe doit se faire respecter. Nous sommes une grande puissance du commerce international, les Etats Unis sont un allié, un partenaire, mais nous avons des règles, ce sont celles de l'Organisation Mondiale du Commerce. Nous avons contribué à les faire, nous devons les faire respecter et les respecter mutuellement. Et à côté de ça, nous avons des vraies convergences de vue et un travail ensemble au quotidien dans la lutte contre le terrorisme avec les Etats Unis. En Syrie, nous œuvrons ensemble dans la coalition internationale, en Afrique, nous œuvrons ensemble dans la région du Sahel et du Sahara contre le terrorisme islamiste, et donc vous le voyez, il y a des points de désaccord, mais il y a malgré tout et surtout à mes yeux, un ancrage, un intérêt conjoint, une volonté d'œuvrer pour notre sécurité collective.

En ce qui concerne l'Iran, la France, la Grande Bretagne et l'Allemagne ont négocié ensemble, or, en Europe, avec vos idées de réforme européenne, on ne suit pas. Êtes-vous déçu d'Angela Merkel?

Emmanuel Macron: Pas du tout, j'attends plein de réponse et il n'y a pas ce sujet-là entre nous, je pense que pendant longtemps, l'Allemagne a attendu que la France fasse ses réformes. Et moi, je ne suis pas là pour donner ni bon point ou mauvais point ou pour dire je suis déçu ou pas, on travaille ensemble, nous sommes des partenaires. Je n'ai jamais eu une approche qui consistait à dire que la totalité de ce que je propose est à prendre ou à laisser. J'ai donné une ambition, une direction, j'ai fait des propositions, je pense en tout cas, je suis profondément convaincu que c'était mon devoir de le faire, et qu'au moment où nous nous parlons le statu quo en Europe est mauvais pour tout le monde. Notre souveraineté est testée par tout ce que nous sommes entrain d'invoquer: la crise iranienne, le commerce, les défis du numérique et des grands acteurs de l'internet, les défis de la transition énergétique, la migration teste notre propre unité, notre capacité à nous protéger, tout comme notre solidarité. Donc, nous devons avancer. Il nous faut re-créer des solidarités face à chacun de ces risques. C'est ça la réforme que j'ai proposée. J'attends maintenant la réponse allemande et nous nous sommes fixés comme objectif avec la chancelière de pouvoir faire ensemble des propositions fortes au mois de juin. Mais on a besoin d'une Europe plus solidaire sur les sujets économiques, financiers, sur le sujet des migrations. On a besoin d'une Europe plus souveraine qui se protège mieux contre les grands risques, on a besoin d'une Europe plus unie, et cette étape on doit la passer et je voudrais vraiment que vous téléspecteurs comprennent que c'est bon pour eux.

 

Pour écouter l'entretien, cliquer sur la photo ci-dessus. Il est également à visionner en vidéo, ici. 

L'interview a été menée par Caren Miosga (ARD) et Max Hofmann (DW).