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"En RCA l'aide humanitaire est de retour à la case départ"

28 novembre 2018

Najat Rochdi, la coordonnatrice du Bureau des affaires humanitaire de l'ONU en République centrafricaine, déplore les attaques des bandes armées et la situation d'urgence dans le pays.

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Zentralafrikanische Republik Flüchtlingslager
Image : picture-alliance/dpa/R. Blackwell

'Il faut essayer de sauver un espoir' - Najat Rochdi - MP3-Stereo

L'aide humanitaire en République centrafricaine a été en grande partie détruite par les attaques des bandes armées. Najat Rochdi, la coordonnatrice du Bureau des affaires humanitaire de l'ONU en République centrafricaine, affirme ainsi que cette aide se "retrouve à la case départ". Elle rappelle ainsi que la situation humanitaire en République centrafricaine est dramatique, trois millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence, la seule en mesure, selon elle, de stabiliser le pays. 

DW : La crise humanitaire en République centrafricaine continue de se détériorer et vous dites, je cite : "Nous sommes de retour à la case départ". Qu'est ce que cela veut dire ?

Najat Rochdi : En fait, vous faites référence à ma déclaration suite aux incidents et aux attaques de Batangafo et Balindao. Effectivement, à ce niveau-là, les groupes armés ont brûlé tout le site des déplacés. Donc oui effectivement cela veut dire que tout notre investissement et tous nos efforts sont partis en fumée littéralement. Et là on parle entre les deux de 50 000 déplacés. Ils ont tout perdu. Donc les investissements en termes d'abris, en termes de centres d'éducation d'urgence, en termes d'accès d'eau, en terme d'hygiène … Tout est parti en fumée ! Et on se retrouve à la case départ. Mais on se retrouve aussi à la case départ parce que ces populations qu'on a accompagnées depuis le début de la crise avaient commencé réellement à espérer et à croire aussi à un changement, à des dividendes de la paix qui leur permettaient déjà de se voir revenir dans leurs villages, revenir dans leurs quartiers … Mais avoir été traumatisé par ce type d'attaques, où il y a eu beaucoup de civils qui ont été tués fait qu’on revient aussi à la case départ par rapport à l'espoir je dirais, par rapport au désespoir des populations.

DW : Vous dites aussi "Le monde ne peut pas fermer les yeux sur ce qui se passe en Centrafrique". Vous en parlez, vous avez vos yeux ouverts sur cette crise. Mais qui ferme les yeux ou qui ne vous écoute pas ?

Najat Rochdi : C’est tout à fait normal qu'on continue à faire le plaidoyer et qu'on rappelle à tout le monde et qu'on ouvre les yeux à tout le monde sur le drame et la tragédie qui est en train de se passer en République centrafricaine. On ne peut pas dire qu'on ne nous écoute pas, puisque grâce aux donateurs, l’an dernier ou cette année, on a atteint pratiquement 50% de financement. Mais il est évident qu’avec la détérioration, il y a une demande de faire un effort supplémentaire et d'essayer de sauver un espoir. Et je vous assure qu’en République centrafricaine la puissance humanitaire est le stabilisateur le plus important est la composante de stabilisation très importantes parce qu'elles permet vraiment d'éviter que les choses ne se détériorent. Elle permet vraiment de sauver l’espoir.

DW : "Elle permet de sauver l'espoir." Mais malgré vos efforts près de 3 millions de personnes ont toujours besoin d'assistance et de protection dans ces pays. Des fonds supplémentaires sont nécessaires et de toute urgence, n'est-ce pas ?

Najat Rochdi : Absolument. À cause des déplacements et à cause de l'insécurité dans un certain nombre d'endroits, bien évidemment les agricultures n'ont pas pu labourer leurs champs et donc évidemment il y a un impact sur la production agricole. Mais cela est aussi dû au fait que nous avons ouvert de nouveaux accès et on a atteint des villages qu'on n'avait pas atteints avant ou on s’est rendu compte qu'il y avait des besoins très importants. Comme je disais, entre Batangafo et Balindao nous avons 50.000 personnes qui aujourd'hui se retrouvent avec rien. Grâce à la contribution des donateurs au fonds humanitaire qui est donc au niveau du pays, on a pu débloquer des fonds d'urgence mais il est évident que cela ne sera pas suffisant. Il faudrait que les groupes armés soient de bonne foi au niveau de leurs engagements au processus de paix. Or quand je vois ces mêmes groupes armés attaquer les civils cela est une source d'inquiétude pour moi.  

DW : La comparution vendredi dernier de l'ancien chef de milice Alfred Yekatom surnommé Rambo devant la CPI (Cour pénale Internationale). Est-ce pour vous un signal fort en direction de ceux qui continuent de commettre des crimes graves en Centrafrique ?

Najat Rochdi : C’est quand même le premier cas, et je pense que c'est un signal fort de la part de tous les partenaires, et bien évidemment d'abord de la part du gouvernement, que l'impunité est terminée et qu’à partir de maintenant justement ces criminels de guerre, ou de criminels contre l'humanité vont devoir répondre de leurs crimes.

DW : Un autre sujet qui fait polémique en Centrafrique, c’est la présence des forces russes. Est-ce que cela empiète votre travail ?

Najat Rochdi : La Russie est un Etat membre et tous les états membres qui peuvent appuyer le dialogue de la paix et bien évidemment le processus de paix en République centrafricaine sont bienvenus. Comme Nations-Unies, il y a des cadres qui appellent à une coordination, qui appellent à une transparence. Comme vous le savez, il y a aussi une initiative africaine, qui aujourd'hui, et depuis un certain temps, a quand même avancé sur un certain nombre de rencontres avec les groupes armés d'un côté et avec le gouvernement de l'autre. Contribuer à ces efforts ne peut être qu’une bone chose dans le cadre du processus de paix en République centrafricaine.