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Une immigration choisie

1 décembre 2011

Martin Neumeyer, chargé des questions d'intégration au sein du gouvernement bavarois et membre du parti conservateur CSU, pense qu'en matière d'immigration, il faut à tout prix des normes valables dans toute l'UE.

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Martin NeumeyerImage : Bayerische Staatsregierung

Deutsche Welle : Contrôles renforcés aux frontières, centres d'accueil surpeuplés, règlement Dublin II : est-ce que, selon vous, l'Europe a la bonne attitude envers les réfugiés venus d'Afrique et d'autres régions du monde ?

Martin Neumeyer : C‘est toujours difficile de se mettre d'accord à 27 - et même un peu plus avec les accords de Schengen - sur une question aussi sensible. Il y a effectivement de gros problèmes aux frontières extérieures de l'Union européenne. Très souvent, les réfugiés y vivent dans des conditions inhumaines. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine. La surveillance étroite des frontières extérieures sert avant tout à lutter contre la criminalité organisée, contre le trafic de drogues, d'armes et d'êtres humains, et contre le terrorisme. Les contrôles aux frontières intérieures ayant été pour la plupart abandonnés, il est indispensable de sécuriser les frontières extérieures. Par ailleurs, tous les migrants clandestins ne viennent pas ici de leur plein gré. Beaucoup y sont forcés, ou encore abusés par de fausses promesses. Selon moi, le règlement Dublin II a fait ses preuves. Dans un espace commun de droit et de sécurité, nous devons faire confiance à nos pays partenaires quand il s'agit de juger la demande d‘asile d'un migrant.

D.W. : A votre avis, comment l'Europe devrait-elle traiter les nombreux migrants illégaux qui vivent déjà ici ?

En tant que chargé des questions d'intégration, je ne m'occupe que de ceux qui ont un titre de séjour en règle et qui doivent donc être intégrés. Les clandestins et les demandeurs d‘asile n'en font pas partie.

En tant que député et à titre personnel, je crois qu'il faut changer notre approche. Au vu de l'évolution démographique et du manque d‘ouvriers qualifiés qui se dessine, nous ne pourrons bientôt plus nous permettre de laisser des gens en dehors du circuit économique et de gâcher leurs capacités en les employant à des tâches sous-payées. Des entreprises sans scrupule et des trafiquants d'êtres humains n‘hésitent pas à les traiter comme des esclaves, à les priver de leur liberté et à les exploiter. Dans une communauté qui partage des valeurs et des idéaux comme l'UE, c‘est inacceptable. Des pays comme l'Espagne et la France ont toujours procédé à des vagues de légalisation de leurs clandestins. Etant donné le nombre de personnes concernées dans ces deux pays, la question se pose de manière bien plus aiguë que chez nous.

D.W. : L'Europe porte-t-elle une part de responsabilité dans l'immigration de personnes venues de régions comme l'Afrique, à cause par exemple de sa politique économique inéquitable ?

C‘est une question qu'il vaudrait mieux poser à des économistes et des sociologues. Les altermondialistes considèrent que ce que vous dites est vrai. En effet, de nombreux pays, en particulier les pays africains, pâtissent de la politique agricole de l'Union européenne. D'un autre côté, les gouvernements européens ont le devoir de garantir une agriculture performante et durable, d'assurer la sécurité alimentaire en Europe et de garantir une subsistance économique à nos paysans. Il faut donc prendre en compte les différents intérêts et trouver une solution équitable.

D.W. : Au cours des dernières décennies, les pays les plus pauvres ont perdu une part importante de leurs universitaires qui ont émigré vers les pays industrialisés. Est-ce que la migration vers l'Europe détruit aussi le potentiel de développement dans ces pays ?

Une grande partie des migrants hautement qualifiés originaires des pays en développement finit par rentrer. Les pays d'origine profitent au plus tard à ce moment-là des expériences et du savoir qu'ils ont acquis en Europe. En outre, nombre d'entre eux versent une part non négligeable de leur salaire à leurs familles restées au pays et contribuent ainsi de manière indirecte au maintien de l'économie. Y compris en Europe : des pays comme la Moldavie ou l'Albanie ne seraient pas viables sans ces versements. Toujours est-il que la fuite des cerveaux est un problème qu'il ne faut pas sous-estimer. C‘est pourquoi nos efforts en matière de développement doivent se faire dans deux directions : encourager la sécurité juridique dans les pays d‘origine et garantir à ces personnes hautement qualifiées une subsistance financière ainsi que des possibilités de faire carrière chez eux.

D.W. : A quoi pourrait ressembler selon vous une politique de migration européenne tournée vers l'avenir ?

Nous devons encourager l'immigration des personnes qualifiées, supprimer les obstacles administratifs et définir des standards d'immigration pour tous. La migration ne doit pas être un jeu de hasard. Nous devons avant tout considérer l'immigration comme un enrichissement et non comme un poids potentiel. En fin de compte, dans la plupart des cas, nous en profitons. Il faut donc développer une culture d'accueil, également dans notre propre intérêt. Plus il y aura d‘échanges et mieux ce sera. Nous avons besoin de frontières ouvertes. Mais il faut des règles pour éviter que ces mouvements aient lieu sans aucun contrôle et que la population les rejette.

Martin Neumeyer, de la CSU (l'Union chrétienne-sociale) est chargé des questions d'intégration au sein du gouvernement bavarois.

Interview : Amine Bendrif
Traduction : Audrey Parmentier