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L’élection présidentielle, une garantie pour la paix ?

2 octobre 2010

Depuis 2002, la Côte d'Ivoire est en état d'urgence permanent. Une mission de l'Onu soutient la tenue de l'élection présidentielle prévue le 31 octobre. Mais ce scrutin tant attendu réussira-t-il à unifier le pays ?

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Un marché de YamoussoukroImage : DW

Même les plus extrémistes parmi les rebelles ne veulent plus de la guerre. Au quartier général des Forces nouvelles, à Bouaké, le colonel Bamba Sinima, directeur de cabinet du secrétaire général du mouvement rebelle, est un ardent défenseur de la date du 31 octobre fixée pour l'élection présidentielle maintes fois reportée : « Toute la Côte d'Ivoire, tous les Ivoiriens sont fatigués. Cette crise n'était pas faite pour durer plus d'un an et cela fait huit ans qu'elle a éclaté. Tout le monde est fatigué, surtout du report répété des élections ».

Jean Louis Billon Industrie-und Handelskammer Elfenbeinküste
Jean-Louis BillonImage : Ute Schäffer

Un pays divisé de facto

Les dernières élections remontent à l’année 2000. Depuis que les rebelles des Forces nouvelles ont entamé leur lutte contre l'élite politique d'Abidjan, le pays est en état d'urgence permanent. De fait, la Côte d'Ivoire est divisée entre le nord, contrôlé par les rebelles, et le sud sous la coupe des troupes gouvernementales. Au cours des dix dernières années, le pays a connu un effondrement économique sans précédent. « Les premières victimes de la crise sont les acteurs économiques, les populations civiles et les jeunes qui sont nombreux à être au chômage, constate Jean-Louis Billon, président de la Chambre de Commerce et d'Industrie. On compte quatre millions de jeunes qui avaient un petit emploi et qui l’ont perdu et quatre autres qui n’ont jamais travaillé… c’est explosif ! » Jean-Louis Billon déplore le manque de volonté politique en Côte d’Ivoire : « Nous avons eu plus d’accords pour la crise ivoirienne qu’il n’en a fallu pour la seconde guerre mondiale. Et nous ne sommes toujours pas sortis de la crise. L’élection a été reportée six fois. Je pense que s’il y avait une réelle volonté, elle aurait eu lieu depuis longtemps. »

Elfenbeinküste Landwirtschaft Kakaobohnen
Le cacao, mamelle de la Côte d'IvoireImage : DW

Les trois principaux candidats – l’actuel président Laurent Gbagbo et ses rivaux Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara – se connaissent et s’affrontent depuis les années 1990. Tous se sont assuré un accès direct aux ressources essentielles du pays. Ce qui fait dire à Jean-Louis Billon que l’élection présidentielle n’apportera probablement pas de grands changements : après le scrutin, il voit un pays toujours divisé et au bord de l’effondrement économique. Mais comment expliquer ce manque manifeste de volonté de mettre enfin un terme à la crise ?

La crise plus rentable que la paix

Selon des observateurs, c’est parce que trop de monde profite de la situation actuelle. Les rebelles, au nord, contrôlent les richesses sous-terraines : diamants, or et minerais. Les responsables politiques, quelle que soit leur tendance, tirent des bénéfices de l’industrie du cacao ou de la vente de produits agricoles. Patrick N’Gouan, coordinateur de la convention de la société civile ivoirienne, ne croit pas non plus à une véritable évolution après l’élection « si le pays continue à être dirigé de la même manière qu’aujourd’hui », c'est-à-dire si l’opposition et le pouvoir continuent de se partager le pouvoir, de « se partager le gâteau et faire souffrir la population ». Patrick N’Gouan pointe un doigt accusateur sur une élite politique « qui se comporte d’une manière encore pire que les forces coloniales ».

Encore de l’espoir selon l’Onu

Elfenbeinküste UN Gesandter Choi in Abidjan
Choi Young-jinImage : DW

Depuis 2003, une mission des Nations Unies s’efforce de garantir la sécurité de la population civile ivoirienne. Actuellement, l’Onuci, l’opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, accompagne le processus électoral et son chef, Choi Young-jin, essaie de rester optimiste : « La Côte d’Ivoire n’est pas un pays en faillite », souligne-t-il. « Il y a toujours un gouvernement qui marche, un budget assez solide – l’année dernière il était de cinq milliards de dollars. Certes, le pays est toujours divisé, mais il faut baser nos efforts sur les aspects positifs et soutenir les structures existantes afin de réaliser les deux tâches : les élections et la réunification. »

Personne n’ose envisager le pire. Mais le risque est bien là : nouvelle flambée de violence, recrudescence des affrontements ethniques, voire une guerre civile qui pourrait constituer un danger pour l’ensemble de l’Afrique de l’ouest. C’est pour éviter ce cas de figure que les Nations Unies et d’autres acteurs comme l’Union européenne s’engagent pour que se tienne enfin l’élection présidentielle. Tous les regards sont désormais tournés vers l’échéance du 31 octobre. La date a été fixée sous la pression de la communauté internationale. Et l’optimisme de cette dernière dépasse dans certains cas largement celui de la société ivoirienne.

Auteurs : Ute Schaeffer / Anne Le Touzé
Edition : Georges Ibrahim Tounkara