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Etat de droit

La France a mal à sa police

30 novembre 2020

Plusieurs scènes de violences policières et le projet de loi sur la "sécurité globale" ont creusé le désamour de nombreux Français pour les méthodes de leurs forces de l'ordre.

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Frankreich Proteste gegen Polizeigewalt in Paris
Image : Francois Mori/AP Photo/picture alliance

En France, les quatre policiers mis en cause dans le tabassage d'un producteur de musique noir, la semaine dernière, ont été mis en examen. Deux d'entre eux ont été écroués, les deux autres placés sous contrôle judiciaire.

Cette scène de violence policière, filmée par une caméra de vidéosurveillance, s'inscrit dans un contexte de colère, en France, contre la nouvelle loi sur la sécurité adoptée la semaine dernière par l'Assemblée nationale.

Violences volontaires

Trois des policiers incriminés dans le tabassage du producteur de rap Michel Zecler sont poursuivis pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique" et "faux en écriture publique" à cause de leurs fausses déclarations après les faits.

Rémy Heitz, procureur de Paris, a spécifié que si les policiers "reconnaissaient avoir porté des coups [à M.Zecker], ils expliquaient ceux-ci par l'attitude de ce dernier et les circonstances de l'interpellation. Ils indiquaient avoir été dans l'incapacité de maîtriser M. Zecler qui se débattait, et expliquaient les coups par la panique qui les avait saisis dans ce local dont ils ne parvenaient pas à s'extraire en raison tant de la résistance de l'intéressé que de la configuration des lieux très exigus."

Screenshot de la vidéo du tabassage de Michel Zecler
Screenshot de la vidéo du tabassage de Michel ZeclerImage : Loopside/abaca/picture alliance

Le syndicatUnité SGP Police dénonce pour sa part la dureté de la sanction prise envers les policiers.

La vidéo de la scène de tabassage a circulé sur internet et suscité une vague de colère en France, d'autant qu'elle a suivi d'autres scènes de brutalité policière durant l'évacuation d'un camp de migrants à Paris, qui ont ému l'opinion publique.

Une colère globale aussi

Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté ce week-end dans 70 villes de France dans des "marches des libertés". Ils protestent contre la nouvelle loi sur la "sécurité globale" proposée par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.

Son article 24 prévoit de restreindre la possibilité, pour les citoyens et les journalistes, de filmer les agents de la force publique dans l'exercice de leurs fonctions et de publier ensuite ces vidéos avec l'intention de nuire à l'intégrité physique ou morale des agents.

Les contrevenants s'exposent à une amende pouvant aller jusqu'à 45.000 euros et encourent jusqu'à un an de prison.

Paris | Manifestation du 28 novembre
Paris | Manifestation du 28 novembre Image : Christian Hartmann/REUTERS

Fabienne, une manifestante, explique sa présence : "Là on est en train de nous pondre une loi où on a interdiction de filmer, alors que nous on filme des choses invraisemblables. Donc voilà donc je suis vraiment dans la rue pour ma liberté comme on le voit écrit sur mon masque."

Olivier aussi est outré par ce projet de loi : "Si la loi passe, ça veut dire que comme on a vu sur la vidéo du pauvre mec, si ça n'avait pas été filmé il serait en taule !"

La loi sur la "sécurité globale" doit encore passer devant le Sénat pour entrer en vigueur. Et encore, seulement si elle est validée par le Conseil constitutionnel. Les partis de la majorité gouvernementale ont cependant annoncé ce lundi, qu'ils vont réécrire et soumettre au parlement, une nouvelle version de l'article 24 qui fait polémique.

Des problèmes en interne

Les spécialistes dénoncent les conditions de travail et de stress des policiers, leur manque de formation et d'adaptation aux milieux dans lesquels on les envoie en intervention, ou au public auquel ils sont confrontés.

Certains élus de la majorité LREM critiquent eux aussi une dérive "autoritaire" du pouvoir.

L'exécutif rétif au changement

Anne-Sophie Simpere, chargée du plaidoyer "libertés" chez Amnesty International France, suit le dossier des violences policières depuis plusieurs années. Selon elle, les pouvoirs publics devront reconnaitre "qu'il y a un problème et s'y attaquer, pour la population, pour les manifestants mais aussi pour les policiers". Et elle regrette l'obstruction de la France contre tout changement, contrairement à ce que font certains pays voisins.

"En France, on a un problème de violences policières. Ça fait très longtemps qu'on a des demandes sur le maintien de l'ordre… par exemple l'organe de contrôle de la police, l'IGPN, ça fait 15 ans qu'on demande des réformes sans être entendus. Il y a vraiment une fermeture sur les changements de pratique. Alors qu'à un moment, il va falloir reconnaître qu'il y a un problème et s'y attaquer, pour les manifestants, pour la population mais aussi pour les policiers."

Anne-Sophie Simpere compare avec d'autres pays, plus enclins à réformer leurs méthodes.

"Au niveau européen, il y a eu le programme GODIAC (pour Good practice for dialogue and communication as strategic principles for policing political manifestations in Europe) sur les bonnes pratiques, le dialogue et la désescalade dans la gestion des manifestations par exemple. L'Allemagne avait participé, ainsi qu'une douzaine de pays européens, mais pas la France."

La Commission européenne a rappelé plusieurs fois la France à l'ordre pour qu'elle agisse en conformité avec ses engagements internationaux.

Des policiers à Paris, Place de la Republique
Des policiers à Paris, Place de la Republique, le 23 novembre, pour faire décamper des migrantsImage : Jerome Gilles/NurPhoto/picture alliance

Et l'Allemagne?

En Allemagne, ce sont des scandales d'infiltration par l'extrême droite qui ont ébranlé les polices régionales ces derniers mois. Là aussi, des problèmes de recrutement, de formation, et de contrôle ont été mis en évidence.

En Allemagne, la violence policière vise aussi les Noirs

Mais la police fédérale, elle, continue d'avoir bonne presse, d'après l'Eurobaromètre publié en octobre 2020 : 84% des Allemands affirment lui faire confiance au trimestre dernier.

Les trois quarts des personnes interrogées ne voient pas de problème de violence dans les rangs de la police allemande et 62% n'y voient pas ou peu de problème de racisme, en dépit de plusieurs affaires de xénophobie au sein des forces de police ces dernières années.