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La France au chevet de la Centrafrique

Marie-Ange Pioerron29 novembre 2013

La République Centrafricaine se retrouve au centre de l'actualité africaine dans la presse allemande. Cela faisait longtemps que les journaux allemands n'avaient plus parlé de ce pays.

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Manifestation à Bangui, novembre 2013
Manifestation à Bangui, novembre 2013Image : Pacome Pabandji/AFP/Getty Images

Sans doute aura-t-il fallu l'annonce de l'envoi d'un millier de soldats français pour que les médias se rendent compte de ce qu'écrit par exemple la Berliner Zeitung: "La Centrafrique sombre dans le chaos". Depuis que les rebelles de la Séléka ont renversé en mars dernier le président corrompu François Bozizé et que le chef de la Séléka, Michel Djotodia, s'est fait proclamer président, le pays ne parvient pas à trouver le calme. François Bozizé, note la Frankfurter Allgemeine Zeitung, était tombé en disgrâce chez l'ancienne puissance coloniale. En 2007 il s'était rebellé contre l'hégémonie des entreprises françaises. Bozizé avait notamment privatisé le secteur pétrolier et provoqué un conflit avec la société française Total. Il avait de surcroit décidé de se faire chèrement payer les droits d'exploitation de la mine d'uranium de Bakouma par Areva. En conséquence de quoi, poursuit le journal, la France avait renoncé à une action militaire musclée pour empêcher la chute de Bozizé. Mais, à présent donc, la France doit envoyer 1 000 soldats supplémentaires.

Soldat français à Bangui, novembre 2013
Soldat français à Bangui, novembre 2013Image : Reuters

Une intervention en plein chaos, titre die tageszeitung qui note que Djotodia a lui même demandé cette intervention française, probablement pour sauver sa peau. L'ancienne puissance coloniale est jusqu'à ce jour un facteur de pouvoir décisif dans le jeu politique de Bangui. Des troupes françaises contrôlent depuis toujours l'aéroport de la capitale. Les 410 soldats français qui y sont stationnés n'ont rien fait jusqu'à présent contre l'insécurité. Cela doit maintenant changer, poursuit le journal. Officiellement l'intervention française doit servir à préparer le déploiement d'une mission de casques bleus composée de 6 000 soldats et 1 700 policiers. L'approbation du conseil de sécurité est attendue la semaine prochaine, juste après que la France aura pris la présidence du conseil de sécurité.

Joseph Kony en novembre 2006
Joseph Kony en novembre 2006Image : STUART PRICE/AFP/Getty Images

Kony comme atout pour Djotodia

Dans ce contexte la presse allemande doute du sérieux du président Djodotia lorsqu'il dit négocier avec Joseph Kony, le chef de l'Armée de résistance du seigneur, cette rébellion ougandaise qui selon l'ONU a tué plus de 100 000 personnes dans le nord de l'Ouganda. Pour die tageszeitung, la ficelle est même très grosse. Le journal a interrogé un expert de la LRA, Paul Ronan, qui rappelle que jamais encore on n'a vu un combattant de la LRA sortir de la clandestinité pour se rendre. Le schéma d'action, poursuit le journal, est clairement apparu lors des négociations entre la LRA et le gouvernement ougandais en 2006: dès que les commandants de la LRA se sentent acculés, ils agitent le drapeau blanc et se disent prêts à négocier sous deux conditions: la fourniture de denrées alimentaires et l'arrêt des opérations militaires. Puis les entretiens échouent et la LRA repart à la guerre après avoir repris des forces. Les rumeurs autour de Kony, souligne le journal sont directement utiles au président Djotodia. Son image et celle de la Séléka sont exécrables. Djodotia a de toute urgence besoin d'une reconnaissance internationale. Il agite donc Kony comme un atout en se disant que qui livre le diable apparait lui même comme un ange.

Jean-Pierre Bemba lors d'une audience à la CPI, 2009
Jean-Pierre Bemba lors d'une audience à la CPI, 2009Image : AFP/Getty Images

Coup de filet dans le procès Bemba

Il est encore question de la République centrafricaine à propos du procès de Jean-Pierre Bemba devant la Cour pénale internationale. Cette semaine il y a eu des rebondissements dans ce procès qui tourne autour des atrocités qu'auraient commises les troupes du MLC de Jean-Pierre Bemba en Centrafrique entre octobre 2002 et mars 2003. Deux des avocats de l'ancien vice-président congolais, de même qu'un témoin de la défense et un député du MLC ont été arrêtés. Cela fait écrire à die tageszeitung que la Cour pénale internationale recourt à des moyens de plus en plus inhabituels. Les quatre hommes arrêtés, note le journal, sont accusés de subornation de témoins et risquent pour cela jusqu'à cinq ans de prison. Au Congo toute cette affaire est considérée comme exclusivement politique par les partisans de Bemba. L'arrestation, à Kinshasa, du député Fidèle Babala, également secrétaire général adjoint du Mouvement de libération du Congo, est aussi critiquée par des juristes congolais. Le député n'a pas eu la possibilité de contester le mandat d'arrêt délivré contre lui par la CPI. Babala, rappelle le journal, a été directeur de cabinet de Jean-Pierre Bemba lorsque celui-ci a été vice président du Congo, de 2003 à 2005. Fidèle Babala s'est fait remarquer au parlement congolais en demandant au président Kabila de dévoiler sa fortune, comme l'exige la constitution. A présent ce sont ses avoirs qui seraient gelés, ajoute die tageszeitung.

Centre d'orientation pour anciens enfants-soldats au Tchad
Centre d'orientation pour anciens enfants-soldats au TchadImage : UNICEF/NYHQ2010-1152/Asselin

Droits de l'enfant: une convention pour quoi?

Pour terminer, un sujet qui à première vue est porteur d'espoir: la Somalie et le Soudan du sud vont ratifier la convention internationale sur les droits de l'enfant. Cette convention interdit entre autres le recrutement d'enfants-soldats. Les deux informations, estime la Süddeutsche Zeitung, seraient sans doute passées inaperçues dans le monde si elles ne signifiaient qu'en matière des droits de l'enfant, un seul pays au monde, à présent, n'a toujours pas ratifié la convention: les Etats-Unis. Les deux pays africains - Somalie donc et Soudan du sud - comblent presque la dernière lacune, note le journal, mais, ratification ou non, selon les dernières estimations de l'ONU, 250 000 mineurs dans le monde combattent aujourd'hui encore dans des conflits armés, la plupart pour des mouvements rebelles en Afrique, un enfant soldat sur trois est une fille. La convention de l'ONU, qui date de 1989, comporte des règles claires contre l'emploi d'enfants soldats, mais les infractions n'ont pratiquement aucune conséquence.