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La mission maritime Sophia privée de bateaux

27 mars 2019

L'UE a prolongé de six mois la mission qui lutte depuis 2015 contre les passeurs en Méditerranée. Mais plus aucun navire ne sera déployé au large de la Libye pour intercepter les embarcations de migrants.

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Operation "Sophia"
Image : picture-alliance/dpa/M. Assanimoghaddam

"C'est un triomphe contre la peur..." (Kamel Daoud)

Les pays membres ont conclu un accord a minima pour prolonger, jusqu'en septembre 2019, une mission désormais amputée de sa principale composante : la surveillance maritime.

Un changement que la porte-parole de la diplomatie européenne, Maja Kocijancik, a eu de la peine à défendre lors du point de presse qui a mis fin, mercredi matin (27.03.2019), à l'incertitude.

"Il est vrai que l'opération Sophia est en principe une opération maritime et il est clair que l'opération n'est plus en état d'accomplir son mandat, mais la décision a été prise par les États membres."

Basé à Bruxelles, le rédacteur en chef du site B2 Nicolas Gros-Verheyde suit de près l'évolution des opérations sécuritaires européennes. "Une opération maritime sans moyen naval pour remplir l'objectif premier qui était de lutter contre les trafics humains, c'est un 'ersatz'", critique-t-il.

"C'est un échec clair de l'opération qui était une des plus politiques et emblématiques de l'Union européenne sur une crise qui est apparue comme un schisme au niveau européen, la crise migratoire."

Les Européens incapables de s'entendre sur l'accueil des naufragés

C'est la question du débarquement des migrants recueillis en mer qui continue de diviser les Européens. Depuis l'arrivée au pouvoir de l'extrême-droite en Italie en juin 2018, le pays réclame un nouveau système de répartition et a fermé ses ports à la plupart des navires de secours.

Et la mission Sophia ne peut plus accomplir son mandat, regrette Tobias Pietz. Il est directeur adjoint de l'analyse au Centre pour les opérations de paix internationales (ZIF) à Berlin.

"Quand on voit qu'entre juin de l'année dernière et février de cette année, on a sauvé à peine une centaine de personnes alors que sur toute la période précédente, on en avait sauvé plus de 50.000, alors on voit que la mission n'a plus été envoyée aux endroits où les passeurs tentent de faire traverser les gens. C'est un problème fondamental et on se demande à quoi bon prolonger une mission qui ne va pas là où elle devrait accomplir son mandat."

En janvier, l'Allemagne avait suspendu sa participation aux opérations navales, estimant que ses navires étaient volontairement écartés des routes par lesquelles passaient les embarcations.

Surveillance aérienne et formation des garde-côtes libyens

Depuis l'opération Mare Nostrum de la marine italienne, le sauvetage des migrants n'est plus une priorité européenne, selon Tobias Piez. "L'Europe ne peut pas tolérer cela", estime-t-il.
Depuis l'opération Mare Nostrum de la marine italienne, le sauvetage des migrants n'est plus une priorité européenne, selon Tobias Piez. "L'Europe ne peut pas tolérer cela", estime-t-il.Image : picture-alliance/ROPI

Dépouillée de sa composante navale, la mission Sophia est encore chargée de mener des patrouilles aériennes pour repérer les embarcations de migrants et former les garde-côtes libyens à la lutte contre le trafic d'êtres humains.

"D'un point de vue purement technique, la mission a encore une certaine efficacité avec le soutien des garde-côtes libyens qui interceptent régulièrement des migrants et les renvoient en Libye", concède Raphael Bossong, chercheur à la Fondation sciences et politique (SWP) à Berlin. 

"Mais cela ne change rien au trafic et aux violations des droits humains qui ont lieu là-bas. Tout ce qu'on obtient, c'est que les chances de traverser la Méditerranée se réduisent."

L'accord sur la prolongation de la mission Sophia doit être encore adopté formellement par le Conseil de l'Union européenne, qui représente les États membres.

Deutsche Welle Anne Le Touzé
Anne Le Touzé Journaliste au programme francophone de la DWnanetouz