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L'Afrique vue par la presse allemande de la semaine

Sandrine Blanchard19 mars 2004

Cette semaine, les journaux abordent plusieurs sujets africains, dont les guerres et conflits oubliés...

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Image : AP

La Frankfurter Rundschau leur consacre même tout un dossier. Le quotidien rappelle que, selon des bilans publiés récemment par diverses associations et observatoires, plus de 200 guerres ou conflits armés ont sévi sur la planète en 2003. Et le journal déplore que le monde n’intéresse l’occident que là où s’entraînent des terroristes, là où du pétrole est exploité, là où des armes de destruction massive sont stockées. Les conflits nationaux et interethniques quant à eux, ceux qui ne s’étendent pas au-delà des frontières d’un pays, sont trop compliqués, de l’avis des médias occidentaux, qui ne prennent donc pas la peine de s’y attarder. Et pourtant, rappelle la Frankfurter Rundschau, ce n’est pas parce que les médias ne parlent pas de certains conflits qu’ils n’existent pas. Ainsi, l’association International Crisis Group, dans son rapport sur l’évolution des zones de crise, estime que les tensions sont toujours aussi importantes que l’année dernière dans 60 états, par exemple, en Guinée Bissau, au Sahara occidental ou au Zimbabwe. Et si Crisis Group note une évolution positive au Libéria, elle met le doigt sur une nette détérioration du climat politique au Nigeria, notamment. La Frankfurter Rundschau s’emporte contre cette tendance des médias grand public, surtout dans les pays occidentaux, à ne parler que de « menace islamique » et à ne pas s’intéresser aux peuples qui ne souffrent « que » du SIDA, de la pauvreté ou de violence armée. Ceux-là, dénonce le journal, peuvent continuer à se « taper dessus » sans que ça gêne outre mesure les chaînes de télévision telles que CNN.

Et c’est le conflit de Casamance qui est pris pour exemple du silence médiatique...

La Frankfurter Rundschau revient sur les origines du conflit qui a commencé il y a 22 ans dans cette province du Sénégal, avec l’arrivée massive de Wolofs et de Madinkas dans cette région habitée par l’ethnie des Diolas. Des Diolas qui réclament la sécession de leur province. Et le journal de rappeler que le cessez-le-feu signé en mars 2001 entre le gouvernement de Dakar et les rebelles du MFDC n’a pas mis de terme aux affrontements, qui ont fait plus de 1000 morts et 50 000 personnes déplacées. Pour conclure, le journal explique aussi que les efforts des Nations Unies pour faire revenir les réfugiés ne sont pas forcément couronnés de succès. Les personnes qui reviennent obtiennent en effet l’équivalent de 76 euros et 500 kilos de riz pour réapprendre à vivre, mais, de retour dans leurs villages détruits, ils sont livrés à la concupiscence des bandits et des anciens rebelles, qui continuent de les piller.

La Tageszeitung, elle, se penche sur le Rwanda...

En effet, dix ans après le génocide rwandais, génocide qui a fait rappelons le plus de 800 000 morts, l’heure est au bilan. La guerre civile entre Hutus et Tutsis a été déclenchée, selon le journal, par des tirs du FPR sur l’avion présidentiel de Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Et la taz revient sur les affirmations d’un juge français, Jean-Louis Bruguière, affirmations publiées dans le journal Le Monde. Selon lui, le président actuel du Rwanda, Paul Kagame, qui était à l’époque commandant des rebelles tutsis du front patriotique, aurait directement commandité dans cette attaque. Ces affirmations du juge tendent donc à insinuer que les Tutsis eux-mêmes auraient une part de responsabilité dans le déclenchement des massacres dont ils ont été les principales victimes. Le hic, écrit la taz, c’est que le juge Bruguière n’a pas enquêté sur le terrain. Ses informations proviendraient de témoignages d’anciens dissidents du FPR en exil, des témoignages qui n’ont pas reçu de confirmation officielle. Et le témoin principal est un ancien du FPR, Jean-Claude Mugabe, qui a publié en 2000 un mémorandum. Or ce Jean-Claude Mugabe n’était pas à Kigali à l’époque, et ses déclarations contiennent des erreurs manifestes. Mais dans cette histoire, ce qui importe à la taz, c’est de rappeler le rôle ambigu de la France, en 1994, au Rwanda. Le journal rappelle donc la controverse qui sévit actuellement , Paris étant à l’époque la principale alliée militaire du régime de Kigali. Un rôle sur lequel l’ONG parisienne « survie » entend faire la lumière, en lançant une commission d’enquête citoyenne. Pour finir, la taz explique que les débats qui refont rage entre Paris et Kigali sont aussi un coup de poing à l’encontre de Kofi Annan, l’actuel secrétaire général de l’ONU. En 1994, il avait en charge les missions de paix des Nations Unies et avait interdit l’intervention de casques bleus au Rwanda. Et à cela s’ajoute, comme s’il y avait besoin d’huile sur le feu, l’aveu de l’ONU la semaine dernière : la boîte noire de l’avion d’ Habyarimana était dans une armoire de Kofi Annan. Et elle ne sera écoutée que maintenant, même si, conclut la taz, elle ne donnera pas d’indications sur les auteurs de l’attaque contre l’avion.

Pour finir, un coup d’œil au Spiegel, qui tire son chapeau aux Africains qui ont participé à la première guerre mondiale.

Et la boucle sera bouclée. Nous évoquions tout à l’heure les conflits dont on ne parle pas. Der Spiegel consacre lui aussi tout un dossier aux soldats anonymes venus des colonies et qui ont prêté main forte aux troupes occidentales. L’hebdomadaire rappelle qu’ils étaient envoyés en première ligne et ont eux aussi été touchés, chez eux, par de violents combats. Le Spiegel explique même que sans ces renforts africains, l’Histoire aurait peut-être pris un tout autre tournant.