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L'Allemagne épargnée par la crise

DW9 septembre 2013

Une économie florissante et stable. L'Allemagne donne l'impression d'être passée au travers de la crise sans égratignure. Durant la campagne, le gouvernement et l'opposition ont tenté de s'approprier ce succès.

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Made in GermanyImage : Fotolia/Goss Vitalij

Une fois par an, la Fédération allemande de l'industrie (BDI), organise sa propre fête. Il ne s'agit pas d'une fête tapageuse où le champagne coule à flots. Non, la „Journée de l'industrie“ n'est qu'une journée de conférences et de discours qui a lieu dans une salle de réunion à Berlin, avec pour seuls rafraîchissements de l'eau et du jus d'orange accompagnés de quelques petits-fours en guise de déjeuner. Malgré tout, cet événement, qui rassemble près de 1 500 invités, constitue l'un des rendez-vous les plus attendus de l'année.

La chancelière Merkel ne manque jamais l'occasion de faire un discours tous les ans à cette „Journée de l'industrie“. „Merci pour ce que vous faites pour notre pays. Merci pour ce que vous faites pour l'Europe“, déclarait-elle en juin dernier devant les chefs d'entreprises allemands.

BDI - Bundeskanzlerin Angela Merkel
La chancelière remercie les acteurs économiques lors d'un réunion du BDIImage : picture-alliance/dpa

Trois mois avant les élections législatives fédérales, les candidats du SPD (sociaux-démocrates), les Verts, la CSU (chrétiens-sociaux) et le FDP (libéraux) n'ont pas hésité à se faire inviter sur la liste des intervenants. D'un point de vue européen, l'Allemagne passe parfois pour une „Alice au pays des merveilles“, a déclaré le candidat du SPD à la chancellerie, Peer Steinbrück, en référence au conte du même nom. L'industrie est à ses yeux la „raison essentielle“ des succès économiques de ces dernières années. Et Peer Steinbrück de promettre : „Vous pouvez aussi compter sur moi pour mener une politique qui mette l'accent sur le renforcement de l'industrie ainsi que sur la création de richesses“.

La locomotive européenne

L'industrie allemande réalise un quart des performances de l'ensemble de l'économie du pays. Si l'on compte les prestataires de services proches de l'industrie, cela représente même 30%. Les entreprises membres du BDI emploient plus de 8 millions de personnes en Allemagne. Le président du BDI, Ulrich Grillo, tout à fait conscient de cette réalité, décrit son secteur comme une „machine à jobs“.

En effet, l'Allemagne est le pays d'Europe dans lequel le secteur industriel est le plus important. En Grande-Bretagne, où le secteur financier a été très fortement développé, le secteur manufacturier ne compte aujourd'hui que pour 11 à 12% de la performance économique totale du pays. De même en France, où la désindustrialisation est très avancée. L'Italie quant à elle se maintient un peu mieux, mais elle est loin de pouvoir rivaliser avec les succès de l'Allemagne.

Aucune autre nation industrielle ne dispose, comme l'Allemagne, d'un tissu aussi dense et prospère de petites et moyennes entreprises. Une entreprise du Mittelstand est une entreprise qui compte au maximum 500 employés et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 50 millions d'euros par an. En Allemagne, quatre entreprises sur cinq sont dirigées par des familles.

Voitures, machines ou encore chimie... Les productions allemandes sont convoitées un peu partout dans le monde et en particulier dans les pays émergents en pleine croissance économique. Les trois quarts des exportations du pays proviennent du secteur manufacturier, caractérisé par une grande capacité d'innovation. En Allemagne, 90% de toutes les dépenses de recherche et développement sont réalisées dans les entreprises industrielles. Ce chiffre n'est que de 70% en moyenne pour les autres pays européens industrialisés.

Chute lourde, rebond rapide

BDI - SPD-Kanzlerkandidat Peer Steinbrück
Le candidat du SPD Peer Steinbrück avec le président du BDI Ulrich GrilloImage : picture-alliance/dpa

En 2009, à la suite de la crise financière, la conjoncture économique allemande s'est effondrée de 5%. Il a fallu deux ans seulement au pays pour retrouver son niveau d'avant la crise. Or au tournant du siècle dernier, l'Allemagne était encore considérée comme l'homme malade de l'Europe. En 1998, le SPD et les Verts sont arrivés au pouvoir et en 2003 ils ont imposé une réforme encore inconnue à l'époque : l'“Agenda 2010“. Ce train de réformes a chamboulé le marché du travail et le système social allemands. En 2007, une coalition CDU/CSU-SPD a quant à elle introduit la retraite à 67 ans, au lieu de 65. „Nous en sommes arrivés là où nous sommes parce que nous avons réformé le marché du travail et les systèmes de sécurité sociale“, constate la chancelière Merkel. „Sinon, nous n'en serions pas là aujourd'hui“. Et le sociologue Bert Rürup de compléter : „Notre pays a su se réinventer économiquement ces dix dernières années“. L'opposition pourtant n'a guère profité des initiatives qu'elle a prises lorsqu'elle était au pouvoir. La bonne santé de l'économie est surtout attribuée à Angela Merkel.

Injections de monnaie contre la crise

Depuis la crise financière, économique et de la dette, le zèle réformateur de l'Allemagne a nettement perdu de sa vigueur. Pendant la crise, l'objectif était juste de limiter les dégâts. Mais finalement, ces dégâts ont aussi permis à l'Allemagne de traverser la crise sans trop de problèmes. Les programmes conjoncturels ont soutenu l'économie et ont aidé à sauver les entreprises touchées de plein fouet.

Peer Steinbrück, le candidat du SPD, tient beaucoup à rappeller que ce sont les sociaux-démocrates, présents dans le gouvernement de coalition avec la CDU/CSU, qui ont poussé dans le sens d'un soutien financier à l'industrie. De même, le programme d'investissement local pour le renouvellement des infrastructures ainsi que la réglementation en faveur du chômage technique sont des initiatives du SPD, selon Peer Steinbrück. La Bundesagentur für Arbeit, l'Agence allemande pour l'emploi, a assuré financièrement les arrières des entreprises, parfois jusqu'à 18 mois d'affilée, afin qu'elles puissent garder leurs salariés. Dès que les carnets de commandes ont recommencé à se remplir, la production a pu reprendre immédiatement. Et sans main-d'oeuvre qualifiée, cela n'aurait pas été possible.

Deutschland Fachkräfte
Comment attirer la main d'oeuvre étrangère en Allemagne ?Image : picture-alliance/dpa

Regarder vers l'avenir

Mais comment s'annonce l'avenir pour l'Allemagne ? Tout dépend de la perspective adoptée. Dans les années 90, quand on demandait à un chef d'entreprise quels étaient les problèmes urgents à résoudre, il vous parlait des coûts du travail, de la pression fiscale et de la bureaucratie. En 2013, la bureaucratie est toujours un problème. Cependant, on entend beaucoup moins parler des salaires et des impôts, mais plutôt du manque de main-d'oeuvre qualifiée et des coûts élevés de l'énergie et des matières premières. D'un point de vue politique, les problèmes sont les mêmes. Transition énergétique, crise démographique, réduction de la dette et régulation de la finance, tels sont les mots clés d'aujourd'hui.

Par ailleurs, la question de l'équité est très importante pour les citoyens et électeurs allemands. Les contribuables ont dû payer des milliards pour sauver les banques de la crise. 80% des dettes supplémentaires contractées par l'État fédéral pour faire face à la crise sont allées dans le sauvetage du secteur financier. Il s'agit là d'argent perdu par les citoyens et qui n'a pas pu être utilisé pour financer l'éducation et les infrastructures. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'oeil sur le mauvais état des routes et des bâtiments scolaires dans les villes et les villages d'Allemagne.

850 Mitarbeiter streiken erstmalig bei Online-Versand Amazon
Les salariés d'Amazon manifestent pour une augmentation de salaireImage : Reuters/Lisi Niesner

La justice comme thème de campagne

Dans le monde du travail aussi des injustices sont dénoncées, L'écart entre les salaires ne cesse de se creuser. Selon une étude de l'Institut de recherche de l'Agence pour l'emploi, un salarié sur quatre ne dispose que d'un faible revenu. Cela signifie que de plus en plus de personnes doivent avoir plusieurs emplois, ou recevoir une aide de l'État, pour pouvoir vivre décemment. Le SPD prône l'introduction d'un salaire minimum, Angela Merkel est contre.

Une nouvelle volonté réformatrice ?

L'économie sent très bien qu'elle doit rester vigilante. Mais Ulrich Grillo, le président du BDI, objecte qu'on ne peut pas avoir plus d'équité sans réussite économique. Sinon il faudrait mettre en place de nouvelles réformes structurelles. Faute d'investissements massifs dans l'éducation, les infrastructures et le développement des réseaux, la croissance économique va sensiblement décliner en Allemagne. „L'Allemagne est un modèle en l'Europe. Nous n'avons pas d'autre choix que de continuer à l'être et de le rester, quand bien même tout fonctionne déjà bien chez nous !“.