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L'Allemagne a besoin de courage!

Guy Verhofstadt
14 septembre 2017

L'Allemagne joue un rôle économique, historique et géographique important en Europe. Cela lui donne un devoir exceptionnel vis-à-vis de l'Union européenne, selon Guy Verhofstadt, ancien Premier Ministre de la Belgique.

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Zitattafel Guy Verhofstadt Französisch
Image : DW

 

L'Allemagne a toujours occupé une position particulière au sein de la famille européenne, non seulement économiquement, mais aussi historiquement. Mais à l'ère de Donald Trump, Recep Tayyip Erdoğan, Vladimir Poutine et enfin et surtout à la suite du Brexit, le poids déjà significatif des affaires européennes ne va cesser d'augmenter.

Indépendamment des éventuels changements à la chancellerie après le 24 septembre, il est à espérer qu'un nouveau dynamisme s'imposera, au niveau européen, après le vote.

En cette année 2017 à l'agenda électoral chargé, bien trop de dossiers ont été remis au lendemain, à Bruxelles – de peur de nourrir le populisme et le nationalisme en soutenant l'Europe, en argumentant en faveur d’un renforcement de l'Europe.

Or c'est exactement l'erreur à ne pas faire.

Les nationalistes et les populistes sont peut-être doués pour attiser les sentiments anti-européens et pour imposer leurs thèmes dans l’agenda politique. Mais défendre un Etat national plus fort n'apporte aucune solution.

Ils ne font que montrer Bruxelles du doigt en disant : c'est là que se trouvent les racines de tous nos maux, là que tout nous est dicté jusqu'au moindre détail bureaucratique, mais les grands problèmes ne se règlent pas là – la crise économique, la crise des migrants, le terrorisme.

Moins de commissaires

Vu sous cet angle, je suis aussi eurosceptique. Je suis le dernier à dire que l'Europe serait parfaite. Mais je serai aussi le dernier à dire qu'il faut l’abandonner.

Il y a certainement beaucoup à faire. L'UE, en particulier la Commission, s'est depuis trop longtemps commuée en machine à produire une bureaucratie lourde, qui se concentre trop sur des points de détail, au lieu d'en attribuer la gestion aux pays membres pour s'engager elle-même plus fortement sur les questions véritablement importantes.

C'est cela que nous pouvons changer, en en réduisant la taille, avec moins de commissaires, qui traitent moins de dossiers pour se réserver les plus importants.

Et ces questions vraiment importantes sont celles de savoir comment nous gérons les migrations, comment nous combattons le terrorisme, comment nous pouvons nous affirmer vis-à-vis d'Erdogan et de Poutine, comment nous allons nous positionner économiquement.

FBI européen

Mais sur toutes ces questions urgentes, nous avons besoin d'une Europe forte, nous avons besoin de réponses européennes. Nous avons besoin d'une politique étrangère cohérente, ce qui implique une véritable communauté de défense européenne, sorte de pilier au sein de l'OTAN.

Nous avons besoin en plus de cela d'un FBI européen, au lieu de se contenter de réclamer après chaque attentat un peu plus d'échanges d'informations. Nous avons besoin d'une réglementation européenne sur les migrations et d'une vraie politique commune de protection des frontières et des côtes.

Nous avons besoin d'une économie européenne forte, d'un euro capable de résister aux crises et nous ne devrions pas avoir peur de la mondialisation, mais plutôt en être les acteurs et défendre le libre-échange.

Quand les gens verront que nous avançons, la confiance en l'Union européenne grandira. C'est là tout mon espoir pour l’après 24 septembre. J'espère que l'Allemagne assumera, aux côtés du président français Emmanuel Macron, une position de leader et agira avec suffisamment de conviction pour lancer non pas quelques réformes mineures mais un renouvellement de l'UE.

Cela exige cependant du courage. Cela exige de la volonté. Cela exige de prendre des initiatives.

L'Allemagne a déjà fait preuve une fois par le passé de ce courage, de cette volonté et de cette disposition à agir. Après la seconde guerre mondiale, elle a été un moteur déterminant de la construction européenne, a combattu sans faillir et investi pour rendre possible la réunification de l'Est et de l'Ouest, jusqu'à en devenir à la fois le protagoniste et le symbole.

Toutefois, l'Allemagne a pris ses aises depuis la chute du Mur. L'UE nous garantit la paix et la prospérité depuis 70 ans. Mais il serait naïf de croire que nous pouvons nous reposer sur ces lauriers.

L'Allemagne doit faire preuve de leadership

"Yes, we can" était le slogan de campagne de Barack Obama. Un an avant sa première campagne, et six ans avant que ne circule la phrase tant citée „Wir schaffen das“, "Nous y arriverons" d'Angela Merkel [à propos de la crise migratoire], l'ancien ministre fédéral allemand des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher avait eu les mots suivants lors d'un discours à l'Université de Leipzig : "Yes, we do, yes, we can – ja, wir können das", "Oui, nous voulons, oui, nous pouvons – oui, nous le pouvons".

Genscher n'avait par ailleurs pas placé sa phrase dans un contexte national, mais dans un contexte européen, et parlait déjà de la responsabilité de l'Europe à l'échelle mondiale. Car c'est exactement celle-ci que nous avons – la responsabilité d'opposer au nationalisme et au protectionnisme une société ouverte, des valeurs libérales et le libre-échange.

Cette responsabilité nous incombe à tous, en Europe. Mais l'Allemagne va être amenée à jouer là un rôle économique, historique et également géographique stratégiquement important.

J'espère qu'elle saisira cette chance et fera preuve du leadership et du courage nécessaires, pour non seulement maintenir l'Europe, mais aussi faire avancer l'intégration européenne, et assurer ainsi un avenir à l'UE.