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Le Bénin autorise la transhumance pour les éleveurs du Niger

Reliou Koubakin
2 mars 2020

Depuis dimanche (01.03.20), les pasteurs nigériens peuvent officiellement faire paître leur bétail au Bénin. La mesure qui va durer deux mois vise à réduire les affrontements entre agriculteurs et éleveurs.

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Le déplacement des éleveurs est souvent source de conflits
Le déplacement des éleveurs est souvent source de conflits Image : picture-alliance/F. May

"L’autorisation exceptionnelle n’est pas une solution définitivement meilleure" (Hamat Hassan Moussa)

L’arrêté béninois interdisant la transhumance transfrontalière a fait déplacer du Niger une délégation ministérielle à Cotonou, au Bénin à la mi-février.

Trois portes d’entrée sur la frontière béninoise vont être utilisées par les pasteurs nigériens. Ils sont autorisés, officiellement, à faire entrer 50.000 têtes de bovins depuis dimanche (01.03.20). La mesure exceptionnelle va durer deux mois, jusqu’au 30 avril. Le Bénin avait pris en décembre 2019 un arrêté interdisant la transhumance transfrontalière, ce qui est plutôt rare au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao).

Conflits entre agriculteurs et éleveurs  

La transhumance est l’occasion pour les éleveurs des pays sahéliens comme le Niger, le Burkina Faso ou le Mali de descendre vers les pays côtiers tels que la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo à la recherche d’herbe fraîche.

"Ce sont plus de 30.000 têtes de bovins qui se déplacent dans l’année", évalue Hamat Hassan Moussa du Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS). "Les éleveurs, au passage, tombent dans une situation où il est difficile de maîtriser le bétail. Ça crée facilement des risques de dispersion. Et quand il y a dispersion, il y des conflits. Les éleveurs, eux-mêmes, parfois, changent de couloirs de transhumance en dehors des zones qui leur sont dédiées.", soutient M. Hassan Moussa.

En 2017 et 2018, une quarantaine de morts a été dénombrée, au Bénin, lors d’affrontements entre éleveurs et agriculteurs, de nombreux bovins ont été aussi tués.

Officiellement, le Bénin n’est pas opposé à la transhumance transfrontalière selon une loi sur le code pastoral promulguée en 2019. L’arrêté d’interdiction pris l’année dernière visait donc à répondre aux affrontements entre agriculteurs des pays côtiers et éleveurs des pays sahéliens.

"La dernière fois, il y a eu des morts. Il y a un cultivateur qui, un soir, était à la recherche de bois. Il a été attaqué par des éleveurs qui l’ont abattu. Les villageois se sont ensuite rassemblés pour aller répliquer", témoigne Sabirou Mossi. Agriculteur au nord du Bénin frontalier du Niger, il a vu sa production ravagée l’an dernier.

Cadre juridique ineffectif

La Cédéao a adopté en 1998 une décision qui réglemente la transhumance transfrontalière au sein de ses 15 Etats membres. Cependant, chaque Etat côtier prend des décisions qui ne sont pas toujours en harmonie avec cette décision de l’organisation sous régionale à cause de textes "inadaptés, non opérationnels et inapplicables".  

"L’autorisation exceptionnelle du Bénin n’est pas une solution définitivement meilleure", fait savoir Hamat Hassan Moussa du CILSS. Cette autorisation est assortie de conditions pour le Bénin et le Niger. Les conditions vont de la conduite des troupeaux par des pasteurs nigériens d’au moins 18 ans à l’interdiction faite à ces derniers d’utiliser des armes de guerre et des stupéfiants en passant par la disponibilité de l’aliment bétail aux portes d’entrée et sur les axes des transhumants.  

M. Hassan Moussa estime que la "Cédéao autorise la liberté de circulation pour les personnes et les biens au niveau de son espace. C’est valable aussi pour le système d’élevage. Le Bénin est le seul pays où on a rencontré cette situation d’interdiction".

M. Hassan Moussa salue tout de même cette autorisation exceptionnelle du Bénin qui pourrait ouvrir les pourparlers avec le Burkina Faso et le Mali.