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Le coronavirus fait naître un ramadan numérique en Afrique

Anne Le Touzé | Dunja Sadaqi
14 mai 2020

Des imams en direct sur Facebook ou sur Instagram... Au Nigeria, même ceux qui étaient sceptiques avant la crise du coronavirus ont ouvert des comptes sur les réseaux sociaux pour atteindre les fidèles.

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L'imam Huseyn Zakaria se sert des réseaux sociaux pour les prêches du ramadan au Nigéria
L'imam Huseyn Zakaria se sert des réseaux sociaux pour les prêches du ramadan au Nigéria Image : DW/A.U.Idris

"La Covid-19 nous a rendus numériques" (un fidèle nigérian)

Comme tous les soirs pendant le mois sacré, l'imam Sheikh Husseyn Zakaria fait son prêche et la lecture du coran en direct sur internet. Il est suivi en temps réel par de nombreux abonnés.  

A l'image d'autres religieux, l'imam a adopté les réseaux sociaux depuis les restrictions liées au coronavirus, afin de garder un lien avec sa communauté. "Il s'agit de protéger la vie des croyants et de respecter la loi, en évitant les contacts directs, tout en espérant que le coronavirus s'éteigne", raconte-t-il. 

La moitié des environ 200 millions d'habitants au Nigeria sont musulmans. Les mosquées sont fermées depuis fin mars et les gens sont priés de rester chez eux.  

Les mosquées comme celle-ci sont fermées à Abuja, la capitale du Nigeria
Les mosquées comme celle-ci sont fermées à Abuja, la capitale du NigeriaImage : DW/A.U.Idris

"Tout se passe sur les réseaux sociaux"

Ces consignes sont difficiles à tenir pendant le mois du ramadan puisque les croyants sont habitués à se retrouver à la rupture du jeûne.  

De nombreux Nigérians, comme Zakaria Em, 35 ans, saluent donc la conversion des imams au numérique : 

"La Covid-19 nous a rendus numériques. Les gens sont installés sur leur lit ou sur le sol de leur salon, diffusent des vidéos sur Facebook ou écoutent l'interprétation du coran sur WhatsApp. Beaucoup de plateformes nous rendent la tâche facile. Les érudits religieux qui n'utilisaient pas les réseaux sociaux avant s'y sont mis. Tout se passe sur les réseaux maintenant, par Facebook live, streaming Youtube, WhatsApp ou Instagram." 

L'imam Sheikh Husseyn Zakaria a remarqué que ses prêches sont appréciés, s'appuyant sur une augmentation du nombre de ses abonnés. Il s'agit cependant pour la plupart de citadins disposant de smartphones et d'une bonne connexion internet.  

Selon les chiffres officiels, environ 100 millions de personnes utilisent internet au Nigeria – soit plus de la moitié de la population. Mais Sheikh Husseyn Zakaria explique qu'il veut rester accessible aussi pour l'autre moitié : 

"C'est pour ça qu'on doit aussi utiliser la radio pour les gens dans les villages qui vivent loin de nous. L'Afrique, et le Nigeria en particulier, comptent le plus grand nombre d'auditeurs. La radio a une grande influence sur l'information et le savoir, surtout dans le nord du Nigeria." 

Un policier distribue des flyers pour expliquer les mesures de restrictions prises à la mi-mars au Nigeria
Un policier distribue des flyers pour expliquer les mesures de restrictions prises à la mi-mars au NigeriaImage : Getty Images/P.U. Ekpei

La radio, principal moyen de communiquer

Dans le nord et le nord-est du pays, particulièrement touchés par la terreur djihadiste, la couverture d'internet est sporadique. Mais surtout, 70% de la population n'a pas accès à l'électricité.

Ici, les restrictions liées au coronavirus ont d'autres conséquences que l'absence de prière collective, comme l'explique Isyakoo Bajo Adewali : 

"Avant, pendant le ramadan, quand tu n'avais pas d'argent pour t'acheter à manger, il y avait des endroits où tu pouvais manger gratuitement. Mais à cause de la Covid-19, ceux qui collectent et distribuent la nourriture ne sont plus là. Du coup, il y a des gens qui souffrent davantage." 

Selon les Nations unies, la perte d'emplois et l'augmentation des prix pourrait entraîner une crise alimentaire pour des millions de personnes. Un problème qu'on ne peut pas résoudre par le numérique. 

"La Covid-19 nous a rendus numériques" (un fidèle nigérian)

Deutsche Welle Anne Le Touzé
Anne Le Touzé Journaliste au programme francophone de la DWnanetouz