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Le jargon bruxellois masque mal le drame des réfugiés

Jean-Michel Bos
2 juillet 2018

L’Union européenne a décidé de mettre en place deux types des structures pour accueillir les migrants : des "centres contrôlés" sur le sol de l'UE et des "plateformes de débarquement" en Afrique du nord. Décryptage.

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Österreich Übergabe des EU-Ratsvorsitzes
Image : picture-alliance/dpa/B. Gindl

 

Plateformes de débarquement

Alors que l'anglicisme "plateforme de désembarquement" s'est d'abord imposé, c'est finalement le terme "débarquement" qui a été repris dans les textes officiels puis dans la presse francophone.

Les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont, dans les conclusions du sommet des 28 et 29 juin, convenu de la nécessité de mettre en place ce genre de structures dans des pays tiers, c'est-à-dire non membres de l'Union européenne.

"Dans ce contexte, le Conseil européen invite le Conseil et la Commission à examiner sans tarder le concept de plateformes régionales de débarquement, en coopération étroite avec les pays tiers concernés ainsi que le HCR et l'OIM. Ces plateformes devraient fonctionner en distinguant entre les situations individuelles, dans le plein respect du droit international et sans créer de facteur d'appel", peut-on lire dans les conclusions du dernier sommet.

Ce concept encore flou de "plateformes régionales de débarquement" de migrants secourus en mer, en coopération avec le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale des migrations (OIM), est destiné à dissuader les traversées de la Méditerranée.

Ces plateformes devraient être installées en Afrique du Nord ou dans un pays situé en dehors de l’Union européenne. Cependant, aucun pays tiers ne s'est jusqu'à présent proposé pour héberger de tels lieux d'accueil des migrants secourus dans les eaux internationales.

Le Maroc, la Tunisie et l’Albanie ont déjà fait savoir qu’ils n’accepteraient pas de tels centres. 

En revanche, le Niger, lors du sommet UE-Afrique de La Valette à l'automne 2015, a donné son accord à l'installation d'un de ces centres à Agadez pour traiter les demandes d'asile et éviter que les migrants se lancent dans la traversée du Sahara. Une décision assumée par Niamey qui n'a pas redouté d'endosser le rôle du "gendarme africain des Européens".

La première fonction de ces "plateformes" serait de distinguer les demandeurs d'asile, qui ont droit à la protection internationale selon les termes de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, des migrants irréguliers poussés par le désir d'avoir une vie meilleure.

Mais le chancelier autrichien Sebastian Kurz s'est prononcé contre l'option d'ouvrir aux migrants la possibilité de demander l'asile dans l'Union européenne depuis les "plateformes régionales de débarquement" que les dirigeants des 28 envisagent de créer.

"Je fais partie de ceux qui disent que si l'on autorise les demandes d'asile (depuis ces plateformes, ndlr), cela va créer un facteur d'attraction incroyable", a déclaré sur la radio Ö1 le chef du gouvernement, dont le pays vient de prendre pour six mois la présidence tournante de l'Union européenne.

Le chancelier autrichien, selon la radio Ö1, a rappelé le renforcement de l'agence des frontières européennes Frontex et la nécessité de chercher des Etats partenaires pour installer des centres de réfugiés, sans préciser dans quels pays.

Centre contrôlés

Ils pourraient représenter des hotspots d'une nouvelle génération - là encore on retombe dans le jargon bruxellois : les hotspots désignant des centres d'accueil de migrants installés en Italie et en Grèce lors de la crise migratoire de 2015.

Les dirigeants européens ont préféré le terme "contrôlés" à celui de "fermés", proposé par la France et qui rappelle trop un univers carcéral. Pourtant, la réalité est bien celle de centres d'accueil pour migrants sous surveillance.

Les migrants secourus dans les eaux européennes pourront être pris en charge dans des "centres contrôlés" sur le territoire de l'Union européenne, prévoit le texte, d'où ils pourront être répartis dans l'Union quand ils sont éligibles à l'asile ou renvoyés vers leur pays dans le cas contraire.

Mais la création de ces lieux est laissée à la discrétion des États membres. De la même manière, le partage de l'accueil devra se faire "sur une base volontaire".
Or, encore une fois, aucun Etat européen ne s’est porté volontaire pour accueillir ce genre de centre.

L'Italie et la France ont ainsi déjà annoncé qu'elles n'en voulaient pas chez elles. "La France n'ouvrira pas de centres" d'accueil pour les migrants qui débarquent en Europe car elle "n'est pas un pays de première arrivée", a déclaré le président français Emmanuel Macron.

Selon les estimations de l'Organisation internationale des migrations, plus de deux cents personnes se seraient noyées le week-end dernier (30 juin), faisant passer le nombre de morts de migrants tentant de traverser la Méditerranée à plus de mille depuis le début de l'année.
 

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Jean-Michel Bos Journaliste au programme francophone de la DW.JMBos