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Le soutien français qui a fait défaut à IBK

19 août 2020

La France, très présente dans le processus de sécurisation du Mali, a suivi de loin les événements qui ont conduit à la démission d’IBK. Au lendemain du coup d’État, beaucoup se demandent si la France a lâché Keïta ?

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Tête-à-tête Macron-IBK à Bamako en juillet 2017
Tête-à-tête Macron-IBK à Bamako en juillet 2017Image : Reuters/C. Archambault

En octobre 2013, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta avait dû écourter une visite parisienne pour regagner précipitamment Bamako. C’était à la suite d’une mutinerie de 48 heures dans la ville garnison de Kati, d'où est parti le coup d'État de mardi, mais aussi de mars 2012, qui avait renversé l'ex-président Amadou Toumani Touré.

En 2013, IBK avait bénéficié de l’appui technique de Paris et aussi en matière de renseignement pour réorganiser le commandement militaire du camp. Pour affirmer son autorité et annoncer que les opérations de démantèlement du camp de Kati s’étaient bien déroulées, IBK avait martelé : "Kati ne fera plus peur à Bamako, en tout cas pas à Koulouba” (en référence au palais présidentiel).

Le président, Ibrahim Boubacar Keita, devenu impopulaire avant sa destitution
Le président, Ibrahim Boubacar Keita, devenu impopulaire avant sa destitutionImage : picture-alliance/dpa/Maxppp/Mousse

L’"autorité" d’IBK sur l‘armée

Si Ibrahim Boubacar Keita était sûr de son autorité en 2013, c’est parce qu’il pouvait compter sur le président français d’alors, François Hollande, avec qui il était en bons termes, estime le professeur Issoufou Yahaya, politologue nigérien. 

"Je pense que François Hollande était l'ami d’IBK, socialiste comme lui", estime-t-il. "La posture actuelle de la France, malgré son contingent sur le terrain, ne lui permet pas de faire quelque chose“.

Pour certains proches du président IBK, la France, très impliquée dans la sécurité au Mali, aurait pu intervenir comme ce fut le cas en 2012 ou au Tchad à deux reprises.

Mais Louis Keumayou, journaliste et analyste politique camerounais, estime que les forces françaises n’avaient cette fois pas de mandat pour intervenir. "La Force Barkhane n’est pas au Mali pour sauver un Chef d’Etat. Pour le coup d’Etat, il s’agit d’une question de sécurité intérieure. Il ne s’agissait pas d'une agression extérieure comme c’était le cas en 2012.“ 

"Ce sont les Maliens qui ont lâché IBK et non les Français" (Issoufou Yahaya, politologue)

Selon certaines sources, la non-intervention de la France pour sauver le président IBK en difficultés, signifierait que Paris serait dépassé par les événements. Les autorités françaises ne pouvant ainsi plus rien faire face au niveau de corruption et d’inaction d’IBK.

Ce serait l’une des raisons du laisser-faire de Paris, estime le professeur Issoufou Yahaya, politologue nigérien. "Ce sont les Maliens qui ont lâché IBK et non les Français", insiste-t-il. "La France était consciente de l’impopularité d’Ibrahim Boubacar Keïta, du clientélisme politique, de l’implication de sa famille et de la corruption qui caractérisaient sa gouvernance."

La gouvernance d’IBK remise en cause

Toutefois, le départ d’IBK par un coup d’Etat ne pouvait être le choix de la France compte tenu de la situation sécuritaire du pays, selon Louis Keumayou. L’analyste ajoute que la politique intérieure française pourrait aussi expliquer la non-ingérence du président français.

"Dans le cas présent, on est dans le risque d’une ingérence dans les affaires intérieures d’un pays et à moins de 600 jours de sa réélection, le président Macron ne prendra pas le risque de demander aux soldats français de sauver un président, fut-il IBK."

Pourtant, sur le plan diplomatique, cela fait longtemps que Paris et ses alliés du G5-Sahel ne faisaient plus confiance à IBK et son gouvernement. Les dernières années, les diplomates français n’ont pas caché d’ailleurs leur consternation au sujet des autorités maliennes.

Après Bruno Joubert, l’ancien patron de la cellule Afrique sous Nicolas Sarkozy, c’était au tour du président de la Commission de la défense de l’Assemblée nationale française d’estimer, en juillet 2018, que le pouvoir malien n’était "pas à la hauteur des enjeux".

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, n’a lui aussi pas caché récemment, son agacement suite à des propos anti-Français tenus par des autorités maliennes.