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Les enquêteurs de l'ONU "observent" Evariste Ndayishimiye

9 juillet 2020

Un des gestes attendus du nouveau président du Burundi est la dissolution de la ligue des jeunes du parti CNDD-FDD : les Imbonerakure, accusés de semer la terreur.

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Le nouveau président du Burundi, Evariste Ndayishimiye ici à Gitega, le jour de l'inhumation de son prédécesseur et mentor Pierre Nkurunziza
Evariste Ndayishimiye a introduit une première nouvelle donne en déclarant le coronavirus, plus grand ennemi des BurundaisImage : Getty Images/AFP/T. Nitanga

Au Burundi, malgré le changement de commandes au sommet de l'Etat, des réfugiés et exilés continuent de craindre l'insécurité en cas de retour dans leur pays. Certains d'entre eux ont nommément cité les Imbonerakure. Cette ligue des jeunes du parti au pouvoir (CNDD-FDD) était accusée de semer la terreur sous l'ancien président Pierre Nkurunziza décédé en juin.

Les appels se multiplient pour que le nouveau président du Burundi, Evariste Ndayishimiye fasse cesser les activités reprochées à ce groupe que l'ONU appelle "milice". L'ONU justement, dont la Commission d'enquête sur le Burundi s'apprête à rendre un nouveau rapport préliminaire lundi prochain (13 juillet).

Son président Doudou Diène fait des propositions concrètes sur la manière dont le nouveau pouvoir peut mieux contrôler les Imbonerakure. Ci-dessous, l'interview exclusive qu'il a accordée à la DW !

 

Doudou Diène, juriste et Rapporteur spécial de l'ONU sur les formes contemporaines de racisme est le président de la Commission d'enquête sur le Burundi
L'ancien pouvoir a interdit à la Commission d'enquête sur le Burundi d'arriver dans le paysImage : picture-alliance/Photo12/D. Grenon

DW : Doudou Diène, bonjour ! Un nouveau président vient de s'installer au pouvoir au Burundi. Evariste Ndayishimiye fait face à des appels multiples à ce qu'il y ait moins d'exactions ou même qu'il n'y en ait pas du tout, de la part de la ligue des jeunes du parti CNDD-FDD dont il est lui-même membre, le nouveau président. Les Imbonerakure sont accusés par l'Onu, d'être une milice. Comment réagissez-vous à ces appels adressés au président ?

Doudou Diène : Nous, nous prenons note des résultats des élections. Et nous disons simplement, et ce sera un point central de notre prochain rapport, lundi (13 juillet), c'est qu'une occasion historique est donnée au Burundi, de faire les transformations nécessaires et notamment, de démontrer à la communauté internationale que la situation de respect des droits de l'homme a changé qualitativement. Donc nous sommes dans une situation d'observation et de vigilance.

Lire aussi → Covid-19 au Burundi : le nouveau pouvoir prend le contre-pied du régime Nkurunziza

DW : Mais croyez-vous vraiment, Doudou Diène, que le nouveau président a les marges de manoeuvres nécessaires pour prendre le contrôle de cette ligue des jeunes du parti CNDD-FDD, Imbonerakure, qui est sous l'influence quand même d'acteurs majeurs de ce parti ?

Doudou Diène : Nous ne pouvons pas préjuger de ce que le nouveau président va faire. Mais il n'y a aucun doute que le président élu a l'autorité et les moyens d'apporter les changements qualitatifs nécessaires sur le plan du respect des droits de l'homme et de la démocratie.

Interdiction d'entrer au Burundi

DW : La Commission d'enquêtes que vous dirigez, Doudou Diène, n'est toujours pas admise au Burundi. Comment allez-vous faire pour recenser les actions mises à la charge de ce groupe Imbonerakure que l'ONU considère comme étant une milice ?

Doudou Diène : Nous aurions préféré aller sur place effectivement pour écouter les autorités burundaises, entendre leur point de vue sur le respect des droits de l'homme mais écouter aussi la société burundaise ! La société civile, les partis de l'opposition et tout le monde. Mais comme nous n'avons pas accès au territoire, nous devons chercher l'information, aux meilleures sources possibles. Et les sources que nous avons utilisées et qui sont reflétées dans nos rapports, c'est :

Cette photo prise le 7 mai 2015 montre un manifestant opposé au troisième mandat du président Pierre Nkurunziza en fuite devant des militaires qui tirent en l'air
Officiellement, la crise politique au Burundi a fait plus de 1.200 morts et conduit 400.000 Burundais à l'exilImage : picture-alliance/AP Photo/J. Delay

1 - d'enquêter auprès des réfugiés burundais. Nous les écoutons et vous savez que les réfugiés sont des Burundais informés de la situation interne. Evidemment, tout ce qu'ils nous disent, nous en vérifions l'objectivité et la véracité.

2- Nous nous appuyons également sur les informations que l'Union africaine peut nous fournir. Nous nous appuyons également sur les informations que les grandes ONG internationales comme Amnesty international, Human Rights Watch et autres, qui ont également leurs sources d'informations, pour confirmation. Nous nous appuyons sur les agences du système des Nations unies aussi, qui ont également des informations et nous nous appuyons sur l'opposition burundaise qui est à l'extérieur etc. Donc, nous essayons de recouper toutes ces informations et les vérifier.

Et tout ce que nous publions dans notre rapport doit être le plus crédible possible. Et je dois vous dire que le Burundi n'a remis en question aucun des faits que nous avons exposés dans nos rapports et je rappelle que le dernier rapport est d'environ 170 pages ! 170 pages ce n'est pas de la littérature ! C'est une enquête très sérieuse et factuelle. Donc nous allons continuer sur le même plan et en même nous continuons à demander aux autorités burundaises de nous donner accès au territoire.

Maintenir ou dissoudre les Imbonerakure

DW : Les exilés et les réfugiés ne cessent de nous dire qu'il y a toujours les Imbonerakure et qu'ils ont peur de retourner dans leur pays. Que pensez-vous de ces craintes ?

Doudou Diène : Dans l'identification des responsabilités, nous mettons les Imbonerakure comme un des organes, principaux responsables des violations des droits de l'homme mais nous ajoutons que les activités des Imbonerakure et ces violations qu'ils commettent sont également couvertes et appuyées par la police, le service national de renseignements et plusieurs organes de l'Etat.

Lire aussi → Les réfugiés burundais pas encore prêts à rentrer au pays

Doudou Diène : "le président burundais peut dissoudre les Imbonerakure"

DW : Vous avez travaillé sur ce groupe, Imbonerakure. Qu'est-ce qui au niveau de ce groupe, constitue l'attraction pour les jeunes burundais ? Est-ce la pauvreté, le chômage ?

Doudou Diène : Il y a tous ces éléments. Evidemment que le recrutement ou l'engagement dans ce groupe d'Imbonerakure est basé sur plusieurs facteurs. Il peut y avoir des facteurs idéologiques : des jeunes qui adhèrent aux idéaux du régime politique. Mais il peut y avoir aussi des jeunes qui ont pour des raisons économiques et sociales, besoin de vivre et ils sont donc prêts à se laisser manipuler par les pouvoirs politiques. Et il peut y avoir également des intimidations qui sont faites à des jeunes qui n'ont pas de travail, qui chôment, de les menacer de faire partie donc de ces Imbonerakure, et d'agir, d'être actifs pour démontrer leur fidélité au pouvoir.

DW : D'après les témoignages et d'après les rapports justement, le groupe Imbonerakure a gagné du pouvoir au fil des années. Comment le président (Evariste Ndayishimiye) peut-il prendre le contrôle de ce groupe, mieux l'orienter, sans qu'il ne devienne un élément déstabilisateur pour le nouveau pouvoir ?

Doudou Diène : Ecoutez, le nouveau président a été élu ! Son élection a été annoncée et reconnue par le Conseil constitutionnel. Le président a tous les pouvoirs pour transformer la situation et le nouveau président est très bien informé de la situation. Et évidemment que le président a les moyens à la fois sur deux, trois plans qui sont importants. Le premier, c'est à la fois de prendre une position publique de déclaration que les droits de l'homme au Burundi doivent être respectés.

Deuxièmement, le président peut absolument dissoudre tout mécanisme comme les Imbonerakure qui existent. Ils sont connus par l'appareil d'Etat. Troisièmement, le président peut demander à la justice de mettre fin à l'impunité. Le facteur central de violation des droits de l'homme des Imbonerakure, c'est l'impunité dont bénéficient les membres de ce groupe.

DW : Doudou Diène, merci !

Doudou Diène : Je vous en prie, merci.

Photo de Fréjus Quenum à côté d'une carte du monde
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum