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L'UE va-t-elle respecter le jeu démocratique?

22 mai 2019

Les eurodéputés souhaitent que le futur président de la Commission soit le chef du groupe qui aura gagné les élections. Mais les chefs d'Etat et de gouvernement refusent encore une fois de se lier d'avance.

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Belgien Europäische Kommission in Brüssel
Image : picture-alliance/dpa/D. Kalker

"Spitzenkandidaten", voilà un mot allemand qui s'est imposé dans l'ensemble de l'Union européenne. Il désigne les candidats soutenus par les groupes parlementaires pour succéder à Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission, pour cinq ans, à partir de fin octobre.

Les deux favoris sont le conservateur allemand Manfred Weber et le social-démocrate néerlandais, actuellement vice-président de la Commission, Frans Timmermans. Mais le choix se heurte à la rivalité entre le Parlement et les Etats membres.

Les élections européennes dans le détail

Le précédent de 2014

Les eurodéputés tiennent à ce que le futur président de la Commission européenne soit fidèle au résultat des élections, c'est-à-dire que ce soit le candidat proposé par le groupe majoritaire au Parlement qui soit désigné.

Il y a un précédent : en 2014, Jean-Claude Juncker, alors chef de file du PPE, le groupe conservateur vainqueur des élections, avait été placé á la tête de l'exécutif européen.

Mais cela ne s'était pas fait sans mal puisque les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont refusé jusqu'au bout de se laisser forcer la main, préférant faire un choix entre eux puisque le Traité européen stipule que ce sont eux qui désignent le président de la Commission en "prenant en considération" les résultats des élections.

A l'époque, la chancelière Angela Merkel était opposée au principe des Spizenkandidaten et elle n'avait alors cédé que sous la pression d'une campagne de presse en Allemagne qui appelait à respecter la démocratie.

Belgien, Brüssel: Debatte der Spitzenkandidaten vor der Europawahl
Candidats proposés par les six groupes parlementairesImage : picture-alliance/dpa/F. Seco

Les candidats des groupes parlementaires

Sept candidats sont mis en avant par les six familles politiques du Parlement: les libéraux (ALDE), les écologistes (Verts/ALE), les eurosceptiques (CRE), la gauche radicale (GUE/NGL), les sociaux-démocrates (PSE) et les conservateurs (PPE).

Les écologistes (Verts/ALE) font le pari du tandem paritaire avec le Néerlandais Bas Eickhout et l'Allemande Ska Keller. Ils prônent une Europe sociale et respectueuse de l'environnement.

La gauche radicale aussi propose un duo : la comédienne slovène Violeta Tomič, particulièrement sensible aux revendications de la communauté LGBT)) et le Belgo-Espagnol Nico Cué. Il est à la tête du syndicat belge des métallos et fait campagne sur la protection sociale, contre l'austérité.

Lors d'un débat télévisé, Nico Cué a déclaré: "On n'a fait que diminuer les pensions, augmenter l'âge des pensions, enlever des services publics, faire en sorte que le malaise soit tel à un moment donné que les personnes pensent qu'en se réfugiant dans leur nation, ils seront mieux protégés."

Les eurosceptiques du groupe CRE proposent un candidat tchèque: Jan Zahradil qui a fait campagne contre l'Europe: "Les Européens sentent bien que l'UE interfère dans leur quotidien. Qu'elle menace leur façon traditionnelle de vivre, leurs habitudes sociales.."

Deutschland | Wahlarena zur Europawahl | Manfred Weber (l, EVP) und Frans Timmermans (SPE)
Manfred Weber (EVP) et Frans Timmermans (SPE) Image : picture-alliance/dpa/Bildfunk/R. Vennenbernd

Et enfin les deux favoris : le Néerlandais Frans Timmermans pour les socialistes européens (PSE) qui en appelle à la"responsabilité collective, pour ramener les citoyens européens à adhérer au projet européen."

…  et l'Allemand Manfred Weber pour la droite (groupe PPE), pour qui "le message principal du Brexit, c'est que les gens ont voulu retrouver leur souveraineté. Les gens n'ont pas l'impression que l'Europe, c'est leur Europe. C'est ce que je veux changer."

Ce que prévoit le Traité

Le hic , c'est que le choix du président de la Commission sera donc réalisé après les élections par le Conseil européen, c'est-à-dire aux chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres.

Certains dirigeants espèrent ainsi encore contourner le système des Spitzenkandidaten pour imposer le candidat de leur choix.

Le président français Emmanuel Macron a exprimé clairement ses réticences en appelant à "éviter le compromis sur le moins bon candidat". Le président français est allé jusqu'à récuser la "légitimité démocratique" des chefs désignés par les partis et a déclaré clairement : "Je ne me sens pas engagé par le processus que certains partis ont décidé pour eux-mêmes."

Angela Merkel
Angela Merkel soutient mollement Manfred WeberImage : picture-alliance/dpa/S. Rousseau

Les candidats de l'exécutif  

La France verrait ainsi bien Michel Barnier, négociateur en chef du Brexit pour l'UE, prendre la présidence de la Commission, contre le candidat officiel du PPE, Manfred Weber.

Manfred Weber est membre de la CSU bavaroise, il n'a pas vraiment d'expérience gouvernementale et il n'est pas tout-à-fait sur la même ligne que la chancelière, notamment sur la migration... mais il insiste pour que le "processus d'Helsinki", le vote lors duquel il a été désigné candidat par le PPE, soit respecté.))

Angela Merkel, un peu en froid avec Paris, ne peut pas ne pas soutenir son compatriote Manfred Weber. Elle a tenu à remettre les points sur les i : 

"Je soutiens Manfred Weber. Je l'ai déjà dit, je suis membre du groupe PPE et nous avons choisi notre candidat dans un processus clair. Mais il y a les libéraux, avec des personnalités importantes qui mènent campagne en conformité avec les traités européens."

La Danoise Margrethe Vestager, membre du groupe des libéraux ALDE, pourrait elle aussi bénéficier d'un renoncement aux "Spitzenkandidaten" officiels. Elle a axé sa campagne sur la lutte anti-trust et la résistance aux GAFA. Elle souhaite une commission paritaire hommes/femmes : 

" Il est grand temps qu'une femme dirige la Commission" , a-t-elle asséné.

Bref, rien n'est joué d'avance, ou, pour le dire avec les mots prudents d'Angela Merkel : "On verra ce qui se passera".