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L'importance des religieux dans l'élection sénégalaise

Mahamadou Kane
18 février 2019

Les candidats qui battent campagne au Sénégal cherchent l'aval des leaders religieux, les khalifes. Explication.

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Senegal Islamismus
Image : picture-alliance/Godong

Au Sénégal, la campagne présidentielle prend des allures de course vers les bénédictions des leaders religieux. Depuis son ouverture le 3 février, les cinq candidats au fauteuil présidentiel se bousculent dans les villes saintes du pays où les khalifes (chefs religieux) des confréries  soufies, mourides et tidjanes font office de « faiseurs de roi ». L'influence du courant religieux au moment des batailles électorales est ancrée dans la tradition sénégalaise, un pays où quatre-vingt-quinze pour cent de la population est musulmane.

Bildergalerie muslimisches Opferfest Eid al Adha 2012
Image : AP

Un héritage de l'époque coloniale

Selon Bakary Sambe, du Timbuktu Institute, le général de Gaulle s'était appuyé en 1958 sur les deux puissantes confréries tidjanes et mourides pour faire valider le Oui au referendum pour rester dans la communauté franco-africaine.

Léopold Sedar Senghor, premier président du Sénégal indépendant, n'a pas dérogé à la règle en accordant aux chefs religieux un "statut d'intermédiaires" entre la société politique et les citoyens.

Mame Matar Gueye est membre de l'ONG Jamra, un organisme spécialisée dans la médiation sociale au Sénégal.

"Disons que certes les religieux sont courtisés par les candidats, mais l'inverse est également vrai. Parce que vous savez que les religieux sont très vigilants sur les aspects touchant la famille sénégalaise abordés dans les programmes des candidats. C'est la raison pour laquelle les candidats se font maintenant  le devoir de prendre les devants à chaque fois que nous avons des élections en perspectives, pour que le courant passe bien entre eux et les différentes autorités religieuses."

Senegal Touba Große Moschee Sufi Bruderschaft
La grande mosquée soufie de ToubaImage : picture-alliance/AA/A. Gueye

Le ndigel qui ouvre les portes

Bénéficier d'un "ndigel", consigne de vote en langue locale, des deux principaux leaders des confréries mourides et tidjanes constitue en effet, pour les candidats, un gage de probable victoire dans la course à la présidentielle sénégalaise.

En 2000, le président Abdoulaye Wade s'était même prosterné devant le khalife général des mourides au lendemain de sa victoire.

Pour Badou Kane, analyste politique, cette influence des chefs religieux pourrait impacter négativement le mode de gouvernance du pays.

Quand le président veut exercer son pouvoir, il y a toujours l'influence des religieux qui vont le dissuader sur certaines choses qui pourraient faire avancer le pays. Si le chef de l'Etat par exemple, à chaque fois qu'il doit prendre une décision, doit solliciter le chef religieux, alors même que la décision qu'il souhaitait prendre aurait pu être bonne pour le pays… Malheureusement, si cette décision blesse, ou nuit par exemple à un des disciples du chef religieux, le président annule la décision au détriment du peuple. Mais quand on gouverne un pays, c'est le président qui doit le gouverner avec son gouvernement et pas les chefs religieux.

Pas de "ndigel" à l'horizon pour le moment pour les cinq candidats à la présidentielle de ce dimanche.

Même si le khalife général des Tidjanes a déclaré récemment qu'il ne donnerait pas de consignes de vote, mais que le président sortant Macky Sall restait son leader.