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L'Irlande est "entrée en territoire grec"

18 novembre 2010

Dublin est sommé d'accepter l'aide de l'Union européenne afin d'enrayer tout risque de contagion au Portugal et à l'Espagne. Berlin souffle sur les braises en réaffirmant que les banques devront payer pour la crise

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La faillite de l'Irlande, comme celle de la Grèce avant elle, risquerait de faire imploser la zone euro
La faillite de l'Irlande, comme celle de la Grèce avant elle, risquerait de faire imploser la zone euroImage : picture-alliance/dpa

Les négociations se sont poursuivies toute la semaine avec le gouvernement irlandais sur l’aide nécessaire pour sauver à la fois son système bancaire mais aussi l’équilibre de son budget. L’Irlande, le Tigre celtique comme on le surnommait il y a quelques années a perdu beaucoup de sa superbe. Le Produit intérieur brut s’est effondrée de 7% en 2009 et le chômage frôle les 14%. « Le Tigre est devenu un chaton », ironisait cette semaine l’Irish Times pour décrire la déprime irlandaise.

Une dégringolade qu’il faut avant tout attribuer à l’éclatement de la bulle immobilière avec les prix du logement qui ont chuté en moyenne de 50%. Une récession qui a entrainé avec elle les banques irlandaises et c’est pour sauver ce secteur que Dublin a fait un chèque de 50 milliards d’euros, une somme qui représente un tiers de la richesse nationale produite chaque année par le pays. Un chèque endossé bien sûr en bon argent public. Cela explique donc pourquoi l’Irlande va aussi mal.

Le ministre irlandais des finances, Brian Lenihan, lundi à Dublin avec le commissaire Olli Rehn
Le ministre irlandais des finances, Brian Lenihan, lundi à Dublin avec le commissaire Olli RehnImage : picture alliance/empics

Dumping fiscal

Désormais il ne s’agit pas seulement de sauver les banques irlandaises mais aussi l’état irlandais qui se trouve au bord de la faillite. Ceci pour deux raisons. La première est que les autres banques européennes ont acheté des emprunts d’état irlandais et si l’Irlande est en faillite, ils en seront pour leurs frais. Les banques britanniques et allemandes sont particulièrement exposées, chacune avec plus d’une centaine de milliards d’euros investis.

Enfin, il y a le risque de contagion à d’autres pays comme le Portugal ou pire encore, l’Espagne. Ces pays – sans oublier la Grèce qui est toujours malade – doivent emprunter à des taux de plus en plus élevés sur les marchés et c’est pourquoi la crise irlandaise doit être résolue au plus vite. Mais Dublin n’aime pas l’idée de perdre une partie de sa liberté de manœuvre en acceptant l’aide du Fonds européen de stabilité. Cela signifie perdre une partie de son indépendance vis-à-vis de Bruxelles qui ne cache pas qu’en échange, l’Irlande devra renoncer à un taux d’impôt sur les sociétés particulièrement bas. Une particularité qui a fait la fortune de l’Irlande en attirant les grandes entreprises mais qui n’a cessé d’irriter les autres partenaires qui y voient une forme de dumping fiscal.

Le Premier ministre irlandais Brian Cowen joue son avenir dans la réussite d'un plan de sauvetage
Le Premier ministre irlandais Brian Cowen joue son avenir dans la réussite d'un plan de sauvetageImage : AP

Berlin irrite ses partenaires

L’Allemagne joue un rôle particulier dans cette crise. Berlin irrite de plus en plus ses partenaires qui l’accusent d’aggraver la situation. Déjà, au printemps dernier, le gouvernement allemand a longtemps tergiversé avant de se porter au secours de la Grèce. Désormais, la chancelière Angela Merkel souhaite faire participer les détenteurs privés d'obligations aux coûts de sauvetage de pays européens en difficulté financière. En clair : les banques et les assurances devront payer puisqu’elles sont responsables de la crise.

Mais cette attitude a l’inconvénient d’être trop directe et d’affoler les marchés. Berlin a pourtant tenté de les rassurer en affirmant que les créanciers privés ne risqueront rien avant 2013 : un coup d’épée dans l’eau quand on sait que des pays comme la Grèce ou le Portugal ont contracté des emprunts à plus de vint ans. Face à cela, les Etats-Unis pressent l’Europe de se porter au secours de l’Irlande. Le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, a déclaré que l’Europe payait désormais le « douloureux prix » de la lenteur de sa réponse lors de la crise précédente en Grèce. Une critique indirectement portée à Angela Markel.

L’économiste Daniel Gros, directeur du Center for European Policy Studies, un think tank basé à Bruxelles, partage l’avis du secrétaire au Trésor Timothy Geithner sur la lenteur de la réponse européen.

Photo tirée du livre du journaliste italien Fabrizio Gatti : "Bilal, Sur la route des clandestins"
Photo tirée du livre du journaliste italien Fabrizio Gatti : "Bilal, Sur la route des clandestins"Image : Verlag Antje Kunstmann

Tristes migrants

Depuis le mois de septembre, des centaines d'immigrés venus du Maghreb et d'Afrique Noire ont été arrêtés en Espagne. Malgré la crise, des milliers d'africains continuent de risquer leur vie pour rejoindre l'Espagne. Presque toutes les semaines, on apprend qu'une barque s'est échouée, que des clandestins ont été internés. Les Iles Canaries et l'Espagne sont en effet la porte d'entrée de l'Europe pour ces Africains, dont beaucoup se retrouvent ensuite à Barcelone, une ville qui depuis une dizaine d'années attire des milliers de candidats au départ.

La capitale catalane fait rêver mais la réalité est tout autre pour ces Sénégalais qui y vivent. Chômage, racisme, éloignement, contrôles policiers : beaucoup sont déçus et ont du mal à améliorer leur condition de vie. Ils n'arrivent d'ailleurs plus à envoyer de l'argent en Afrique.

Un reportage de notre correspondant en Espagne, Henry de Laguérie.

Auteur : Jean-Michel Bos

Edition : Elisabeth Cadot