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Reproches à Berlin sur les évacuations d'Afghanistan

Sandrine Blanchard | Astrid Prange de Oliveira | Avec agences
30 août 2021

Luftbrücke Kabul, une initiative citoyenne, accuse le gouvernement allemand d'avoir ralenti les évacuations de civils depuis l'aéroport de Kaboul.

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Les évacuations militaires opérées par l'Allemagne sont terminées en Afghanistan. Mais de nombreux civils veulent encore quitter le pays.
Les évacuations militaires opérées par l'Allemagne sont terminées en Afghanistan. Mais de nombreux civils veulent encore quitter le pays.Image : Axel Heimken/AFP/Getty Images

En Afghanistan, les évacuations allemandes touchent à leur fin. Les chiffres publiés ce matin [30.8.21] par le ministère allemand de l'Intérieur font état de l'évacuation de 4.587 personnes vers l'Allemagne, dont 3.849 Afghans et 403 Allemands.

Demain [31.8.21] les derniers soldats américains quittent le pays et leur départ signifie aussi la fin de la sécurisation de l'aéroport de Kaboul, aéroport d'où partent les avions qui permettent aux étrangers et à des Afghans de fuir. La Turquie devrait assurer la sûreté de l'aéroport.

Ces femmes afghanes ont pu être évacuées vers les Etats-unis. Tout les candidats au départ n'ont pas eu cette chance
Ces femmes afghanes ont pu être évacuées vers les Etats-unis. Tout les candidats au départ n'ont pas eu cette chanceImage : Gemunu Amarasinghe/AP Photo/picture alliance

L'Allemagne avait mis en place un pont aérien organisé par la Bundeswehr et suppléé par une autre initiative, privée, lancée par des organisations de la société civile qui reprochent à Berlin sa lenteur.

>>> Lire aussi : Inquiétudes et sentiment d'abandon en Afghanistan

Les appels à l'aide d'Afghans se multiplient, comme celui de Pari S. Une Afghane installée à Bonn, qui était en visite chez son frère quand les talibans ont repris Kaboul. De retour en Allemagne, elle a peur pour ses proches restés au pays : "Mon plus grand souhait, c'est que notre chancelière Angela Merkel dise qu'elle va les aider. S'il vous plaît, aidez-nous si vous avez la possibilité de sauver la vie de ma famille." Et sa voix se brise dans un sanglot.

Vers une crise humanitaire grave

Le Haut-Commissaire de l'Onu aux réfugiés a réitéré son inquiétude face à "une crise humanitaire de bien plus grande ampleur qui ne fait que commencer". Filippo Grandi réclame le maintien de l'ouverture des frontières. Près de 2,2, millions d'Afghans sont déjà passés au Pakistan et en Iran voisins.

Contrôle des papiers à la frontière avec le Pakistan
Contrôle des papiers à la frontière avec le PakistanImage : Xinhua News Agency/picture alliance/

C'est pour aider les Afghans dans le désarroi que des militants ont constitué l'initiative "Luftbrücke Kabul" ("Pont aérien Kaboul"), destinée à évacuer le plus possible de personnes désireuses de quitter le pays avant le retrait total des armées occidentales, qu'elles aient ou non des papiers en règle.

Evacuations dans une situation chaotique

Le co-organisateur de cette initiative, Ruben Neugebauer, reproche aux autorités allemandes leur réaction tardive et leur burocratie qui auraient compliqué certaines évacuations de civils.

>>> Lire aussi : Une prime pour rester en Afghanistan

Les humanitaires auraient ainsi dû recourir au soutien d'agents de liaison américains voire qataris pour acheminer par convoi les personnes à évacuer jusqu'à l'aéroport de Kaboul et pour les faire ensuite monter dans leur Airbus.

Ruben Neugebauer, co-organisateur de Luftbrücke Kabul
Ruben Neugebauer, co-organisateur de Luftbrücke KabulImage : Christoph Soeder/dpa/picture alliance

"On nous a dit clairement que nous ne pouvions évacuer que des personnes qui figuraient sur la liste officielle du ministère allemand des Affaires étrangères, raconte Ruben Neugebauer. Beaucoup ont cru qu'il suffisait de se signaler au ministère pour être évacués, mais non. Ces listes sont vérifiées par les Affaires étrangères et l'Intérieur, et c'est seulement après que les gens avaient une chance d'être évacués. Et pour cela, il fallait déjà arriver jusqu'à l'aéroport."

L'initiative citoyenne a finalement pu faire sortir 189 personnes d'Afghanistan, soit beaucoup moins que les "plus de 500 personnes" escomptées.

>>> Lire aussi : La peur pour les femmes afghanes

Le ministère des Affaires étrangères réfute les accusations des militants de "Luftbrücke Kabul". Un porte-parole affirme même que le ministre, Heiko Maas, aurait soutenu "personnellement" l'initiative privée.

Il souligne dans une réponse écrite à la DW (voir ci-dessous) que leurs opérations ont été organisées en parallèle des évacuations officielles, ce qui explique les difficultés de communication et de coordination sur place, dans une situation d'urgence.

>>> Lire aussi : Des réfugiés afghans arrivent déjà en Afrique

"Luftbrücke Kabul" réclame aux autorités de négocier s'il le faut avec les talibans pour permettre à des Afghans de partir, même après le retrait des Américains. Et aux Etats de l'Union européenne de délivrer des visas sans criminaliser les personnes qui veulent trouver refuge en Europe, des familles, des journalistes, des militants des droits de l'Homme.

Solidarité mesurée des Etats

Le Conseil de l'Europe a aussi rappelé à ses 47 Etats membres leurs "obligations" en matière d'accueil, mais les gouvernements restent frileux, craignant un nouvel afflux massif de demandeurs d'asile comme en 2015, alors que la France et l'Allemagne se préparent à des échéances électorales majeures.

Emmanuel Macron suggère quant à la mise en place d'une zone sécurisée dans Kaboul pour poursuivre les opérations humanitaires. La Russie s'y dit favorable.