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Mali : Bah N’Daw investi sur fond de flou juridique

Paul Lorgerie
25 septembre 2020

En prenant le pouvoir vendredi, le nouveau président de la transition va mettre fin à un mois de flou juridique sous le CNSP depuis le putsch du 18 août.

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Bah N’Daw a dix-huit mois pour mener le Mali vers des élections
Bah N’Daw a dix-huit mois pour mener le Mali vers des élections Image : Habibou Kouyate/AFP

Les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) passent le flambeau du pouvoir au président de la transition récemment désigné, Bah N’Daw. Cette investiture survient après le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août dernier.

L’entrée en fonction du nouveau président Bah N’Daw et de son vice-président Assimi Goïta signe la fin d'un mois de flou juridique, sans pouvoir législatif ni exécutif, pendant lequel la junte a assuré la continuité de l’Etat.

Lire aussi → Mali : l’économie nationale, première victime de l’embargo

Constitution suspendue ?

Peu de temps avant, le colonel-major Wagué, porte-parole du CNSP, précisait que la constitution malienne n’était pas suspendue. Mais dans les faits, c'est un peu ce qu'il s'est passé, assure le Dr. Fousseyni Doumbia, professeur de droit constitutionnel à l’université de Bamako : 

"Avec cet Acte fondamental, nous assistons de façon inéluctable à une suspension de fait de la constitution normale. Il y a le droit normal et le droit exceptionnel. Et l’on peut mettre l’Acte fondamental dans le droit exceptionnel."

Ecouter les explications de Paul Lorgerie

Une mesure exceptionnelle, qui n’est pas prévue par la Constitution, mais pour autant incontournable, dit le professeur. Incontournable pour adopter les mesures nécessaires pour l’organisation de la transition qui doit s’ouvrir aujourd’hui. Une transition qu'il juge désormais plus démocratique. 

"Il y a une grande différence entre la charte de transition adoptée lors des concertations et l’Acte fondamental. Ce dernier résulte de la volonté unilatérale des militaires. Et la Charte de transition résulte d’un large assentiment des forces politiques et sociales du pays.", explique le professeur de droit constitutionnel.  

La Charte de transition entre en vigueur

Et cette charte, le Dr. Doumbia la connaît bien, puisqu’il a participé à son élaboration au sein du comité d’experts. A la base prévue par la junte, qui avait promis ces discussions inclusives entre les différents acteurs de la société malienne, elle est aujourd’hui prête à être publiée au journal officiel malien pour être annexée à la Constitution citée dans le préambule, le temps de la transition. 

Le CNSP a géré le Mali dans un flou juridique
Le CNSP a géré le Mali dans un flou juridique Image : Michele Cattani/AFP/Getty Images

"Au regard de l’impératif de sortie de crise, qui se trouve être le plus important aujourd’hui, il a été dit dans une disposition qu’en cas de contrariété entre la charte et la Constitution, ce sont les dispositions de la Charte de transition qui prévalent."

Une disposition nécessaire, selon Fousseyni Doumbia, car dans ces temps exceptionnels, "les textes ont atteint leurs limites". 

En attendant, la charte, qui entre en vigueur vendredi (25.09.20), est donc plus "démocratique", davantage issue d'un consensus, mais toujours pas parfaite. 

"Un acte vraiment valable qui a une force juridique même si les conditions de son élaboration ont été biaisées, car il ne résulte pas d’un large assentiment de la population.", constate le professeur de droit constitutionnel.  

Reste à savoir ce qu’il adviendra des accords d’Alger, également cités en préambule. Car, si les Maliens se sont bel et bien entendus sur le texte, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui regroupe les anciens rebelles du nord, n’ont pas participé aux discussions.