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"Les sanctions ne sont pas fondées sur des bases juridiques…" (Mariama Alhassane)

15 novembre 2023

L'ancienne ministre de la Fonction publique et du Travail et Coordinatrice du réseau des femmes pour la paix, le Refepa, revient sur le combat des femmes pendant la transition, leur contribution lors du dialogue annoncé par la junte et dans la décrispation des relations entre le Niger et la Cédéao depuis le coup d'État militaire du 26 juillet dernier.

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DW : Mariama Alhassane Bonjour

Mariama Alhassane : Bonjour

DW : Le Niger est dans une transition depuis plus de trois mois. Peut-on parler d'un recul dans la lutte contre les inégalités lorsqu'on fait un diagnostic rapide des organes de la transition ?

 DW : Les femmes ont été surprises de voir la disparition du ministère qui prend en charge le problème des femmes. On a rencontré les nouvelles autorités, elles nous ont dit que pratiquement toutes les attributions qui revenaient à ce ministère ont été prises en charge à travers une direction générale. C'est bien, mais ce n’est pas rassurant. Pourquoi ? Parce que ces attributions sont noyées dans un grand département qui comporte la santé publique, qui est également une priorité, la population, qui est quand même un problème crucial et les affaires sociales, et ce ministère doit avoir un seul budget. Aujourd'hui, si un cas de priorité s'oppose à ce ministère, où la santé se trouve sur le même plateau que la promotion de la femme, nous sommes persuadés que la santé prenne la priorité par rapport aux affaires de promotion de femmes. C'est vraiment un sujet d'inquiétude, mais pour cela, nous n'allons pas dire qu'il y a un recul. C'est trop tôt pour parler de recul, mais c'est un point sombre quand même pour les femmes. 

DW : Justement, vous avez parlé du gouvernement. On a vu qu'il y a une vingtaine de ministres et sur cette vingtaine, on a quatre femmes. On sait que vous faites partie de celles qui se sont battues pour obtenir la loi sur le quota. Est-ce que ces acquis sont menacés ? 

Mariama Alhassane : Le constat, il est là, c'est que cette loi n'a pas reçu toute son application et a du mal à recevoir toute son application. Il y a un contexte particulier qu'on évoque, celui de l'insécurité, par exemple pour les postes de gouverneur. Il y a ce problème, surtout dans des régions bien particulières. Il faut qu'il y ait des autorités militaires qui puissent en même temps gérer cette question cruciale, parce que sans sécurité, il ne saurait y avoir de développement ou même toute activité. Nous le comprenons. Mais pour les autres postes, il faut que les efforts se fassent pour que ce quota soit respecté. 

Des partisans de la junte au pouvoir à Niamey
Avec le soutien d'une partie de la population, la junte au pouvoir à Niamey a rejeté les demandes de la Cedeao de rétablir l'ordre constitutionnel. Elle insiste plutôt sur la nécessité d'une période transitoire de maximum trois ans pour pouvoir le faire, alors que le pays fait face à deux insurrections jihadistes au sud-est et à l'ouest.Image : Balima Boureima/AA/picture alliance


DW : La Cédéao a imposé des sanctions économiques au Niger à la suite du coup d'État. Des sanctions qui ont fait grimper les prix des produits de première nécessité, une situation devenue difficile pour toutes les familles, notamment pour les femmes et les enfants. Êtes-vous en contact avec des femmes parlementaires de la Cédéao pour voir comment est-ce qu'elles peuvent aider ? 

Mariama Alhassane : Nous savons déjà qu'il y a des femmes de différentes régions d’Afrique qui ont déjà entrepris un plaidoyer en faveur de la levée des sanctions. Nous nous préparons à le faire et nous sommes en contact avec des réseaux internationaux. Il y a le réseau des femmes, ministres parlementaires et le réseau des femmes pour la paix. Nous sommes en contact et nous sommes en train de nous préparer à faire un plaidoyer auprès, vraiment, de ceux qui peuvent influencer la décision des chefs d'Etat de la Cédéao ou même, pourquoi pas nous introduire auprès d’eux-mêmes pour plaider en faveur de la levée des sanctions. Ce d'autant plus que ces sanctions ne sont pas fondées sur des bases juridiques. Mais quand on va en plaidoyer, on ne soulève pas de problèmes, on essaie plutôt de voir ce qui nous unit et ce que nous avons en commun.

DW : Le dialogue promis par la transition n'a pas encore commencé, mais comment est-ce que vous préparez à ce dialogue ?

Mariama Alhassane : Le problème très important dont il faut discuter lors de ce forum, ce sont des problèmes fondamentaux de gouvernance. Nous espérons que le patriotisme que nous avons observé jusque-là va prévaloir au-delà même du dialogue, parce que notre administration, qui est l'appareil d'exécution des politiques, a perdu totalement ses repères. Il faut absolument qu'on revienne à la norme. Et c'est l'occasion. Il n'y a qu'un régime exceptionnel qui puisse le faire, parce que les politiques sont pratiquement otages de leur électorat. S'il y a eu ce dérèglement au sein de l'Administration, c'est dû au clientélisme et un tas de choses que les politiques ne peuvent pas résoudre.

DW : Malheureusement, on a vu que, parfois, on adopte les textes pendant la transition, mais quand il y a le président qui est démocratiquement élu, il a du mal, vous l'avez dit, à appliquer ces lois. Comment est-ce que vous allez faire pour veiller à ce que ces textes et lois adoptés soient bien appliqués ?

Mariama Alhassane : Vous savez, pour être franche avec vous, pour la loi sur le quota, l'observatoire de la promotion des femmes. Malgré l'existence de cet Observatoire, nous n'avons pas réussi jusqu'à présent à faire appliquer correctement la loi sur le quota. Je ne sais pas si c'est dans la Loi fondamentale qu'il faut lire le caractère attaquable de toute loi ou de toute nomination qui ne respecte pas le quota. En tout cas, il faut aller plus loin. On se prépare à ça, et on a déjà créé un focus qui s'attaque à l'immédiat qui est la levée des sanctions. Mais il faut aller plus loin. Il faut qu'on fasse la relecture des textes.

DW : Mariama Alhassane Merci

Mariama Alhassane : Je vous en prie.