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Nigeria : pacifier le nord aux dépends du sud ?

Aude Gensbittel2 avril 2015

Muhammadu Buhari veut venir à bout du mouvement islamiste Boko Haram dans les six mois à venir. Le nouveau chef de l’Etat élu fera-t-il mieux que son prédécesseur Goodluck Jonathan pour pacifier le pays ?

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Mohammadu Buhari a emporté l'election présidentielle au Nigeria
Mohammadu Buhari a emporté l'election présidentielle au NigeriaImage : Ekpei/AFP/Getty Images

« Débarrasser la nation de la terreur et ramener la paix », c'est la promesse qu'a faite Muhammadu Buhari au lendemain de l'annonce de sa victoire. Contrairement à Goodluck Jonathan, un chrétien originaire du sud du Nigeria, le président élu est musulman. Il vient lui-même du nord du pays, où Boko Haram est actif. Muhammadu Buhari a de bonnes connections parmi les élites du nord, mais il jouit aussi du soutien des couches les plus pauvres de la population. Il connait leurs problèmes et il peut donner une voix à ceux qui jusqu'à présent se sentaient non représentés dans la société. Contribuer au développement économique du nord et s'attaquer aux problèmes sociaux, c'est aussi prendre le mal à la racine en ce qui concerne le problème du terrorisme.

Une promesse réaliste ?

Se débarrasser complètement de Boko Haram est une tâche extrêmement difficile, qui pourrait prendre bien plus longtemps que les six mois dont parle Muhammadu Buhari. Mais selon Dr Jibo Ibrahim, politologue au Centre pour la Démocratie et le Développement, à Abuja, ce qui est réaliste pour cette période de temps, c'est d'affaiblir le mouvement islamiste et de chasser les terroristes de leurs bases. Il estime aussi que Muhammadu Buhari va mener une lutte beaucoup plus rude à Boko Haram que son prédécesseur :

« En six mois, les bases de Boko Haram peuvent être détruites, » estime Dr. Jibo Ibrahim
« En six mois, les bases de Boko Haram peuvent être détruites, » estime Dr. Jibo IbrahimImage : DW/Jan-Philipp Scholz

« Il va en tous les cas faire plus d'efforts. Le problème avec Goodluck Jonathan, c'est qu'il ne s'est jamais vraiment impliqué dans la lutte contre Boko Haram. Il a laissé le mouvement grandir et se développer. Ce n'est que lors des six dernières semaines qu'il s'est rendu compte qu'il allait perdre les élections et qu'il a commencé à lutter contre Boko Haram pour tenter de gagner en popularité. »

Conséquences possibles dans le sud du Nigeria

Dans le sud du pays, à majorité chrétienne, beaucoup d'électeurs sont restés fidèles au président sortant, Goodluck Jonathan. Dans l'Etat de Rivers, le Delta du Niger et dans l'Etat de Bayelsa, la population ne voit pas d'un bon œil l'arrivée de Muhammadu Buhari au pouvoir.

Le Delta du Niger est une région qui a traversé plusieurs années de violences. L'origine des troubles, c'était la répartition des revenus du pétrole. Goodluck Jonathan a contribué à apaiser la situation, en concluant des accords avec le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger. Selon Thomas Mösch, directeur du programme hausa de la Deutsche Welle et expert du Nigeria, avec le nouveau président, il n'est pas exclu que le conflit reprenne dans le Delta du Niger :

Goodluck Jonathan reste populaire dans le sud du Nigeria
Goodluck Jonathan reste populaire dans le sud du Nigeria

« Des cargaisons entières de pétrole ont été volées. C'est uniquement possible si les représentants du gouvernement ferment les yeux sur l'affaire. Si Buhari veut s'opposer à cela, alors il aura de gros problèmes. Le Delta du Niger est déjà contre lui sur le plan émotionnel. Il faut maintenant attendre de voir si Buhari est capable de faire une offre aux élites du Delta du Niger pour éviter qu'il y ait une nouvelle insurrection armée. »

Autre aspect non négligeable : si le sud du Nigeria était délaissé au profit du nord, cela pourrait avoir des conséquences économiques négatives. C'est en effet dans le sud du pays que sont implantées la plupart des sociétés étrangères.