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Putsch manqué au Gabon, élection contestée en RDC

11 janvier 2019

Les journaux allemands ont été eux aussi surpris par l'annonce de la victoire de Félix Tshisekedi à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo. Ils commentent également la tentative de putsch au Gabon.

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Le candidat Martin Fayulu affirme avoir recueilli 61% des voix et veut déposer un recours devant la cour constitutionnelle
Le candidat Martin Fayulu affirme avoir recueilli 61% des voix et veut déposer un recours devant la cour constitutionnelleImage : Reuters/B. Ratner

On n'attendait pas un tel résultat, constate la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Cela veut dire que pour la première fois dans l'histoire de la République démocratique du Congo, une alternance démocratique se produirait à la tête de l'État.

Pour l'UDPS c'est une revanche historique, écrit die tageszeitung. Le parti d'opposition, qui fut le fer de lance du combat contre la dictature de Mobutu dans les années 1990, se considère garant de l'héritage démocratique du pays.

Felix Tshisekedi a-t-il conclu un accord avec Joseph Kabila avant même l'élection?
Felix Tshisekedi a-t-il conclu un accord avec Joseph Kabila avant même l'élection?Image : picture-alliance/dpa/J. Delay

Félix Tshisekedi est le fils du fondateur de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, dont la victoire à la dernière présidentielle, en 2011, avait été volée par des manipulations. Les partisans de l'UDPS ont donc célébré leur victoire jeudi, tandis que l'autre candidat de l'opposition, Martin Fayulu, a crié au "putsch électoral".

Beaucoup disent qu'il y a eu des concertations secrètes entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi avant les élections, poursuit la taz. Si c'est le cas, Kabila serait le vrai gagnant des élections. Pendant que ses adversaires se déchirent, celui-ci se laisse célébrer à Kinshasa sur des affiches comme le "père de la démocratie".

Félix Tshisekedi aura en tout cas un problème massif de légitimité et la question se pose de savoir quelles garanties il a dû donner pour que les généraux de Kabila le laissent gouverner.

L'annonce des résultats a été faite en pleine nuit pour limiter les protestations, selon la presse allemande
L'annonce des résultats a été faite en pleine nuit pour limiter les protestations, selon la presse allemandeImage : Getty Images/AFP/J.D. Kannah

Le résultat laisse toutes les options ouvertes, estime la Süddeutsche Zeitung. Dès jeudi matin, Félix Tshisekedi a annoncé qu'il serait le président de tous les Congolais et appelé à la réconciliation nationale. Mais le Congo en est loin à l'heure actuelle.

Des diplomates affirment que les rapports des observateurs de l'Eglise catholique, déployés en nombre le 30 décembre, donnent une avance d'environ 20 points à Martin Fayulu.

Pour autant, la plus grande victoire n'est-elle pas la défaite de l'ancien régime aux élections? s'interroge encore die tageszeitung. Les deux candidats de l'opposition totalisent à eux seuls 73% des voix. C'est un gigantesque mandat du peuple pour l'alternance.

Si le nouveau président réussit à impliquer toute l'opposition et à engager le changement, il mérite le soutien international pour bâtir un meilleur Congo. Mais si c'est seulement une façade pour une poursuite de l'ancien régime, l'entrée en fonction de Félix Tshisekedi ne serait alors qu'un chapitre supplémentaire dans la chute d'un pays dont dépend l'avenir de l'Afrique, conclut die tageszeitung.

Le putsch le plus court de l'histoire

Ondo Obiang Kelly, un putschiste à la courte carrière
Ondo Obiang Kelly, un putschiste à la courte carrièreImage : Radio Télévision Gabonaise - Screenshot

À propos du Gabon et du coup d'État au début de la semaine, les journaux sont unanimes : il s'agit sans doute d'une des tentatives de putsch les plus courtes de l'histoire.

Lundi matin, raconte la Süddeutsche Zeitung, une poignée de soldats prennent d'assaut la télévision nationale à Libreville et diffusent un message à la population.

Leur porte-parole, Ondo Obiang Kelly, qui se présente comme membre de la garde républicaine, affirme vouloir rétablir la démocratie au Gabon. Il appelle la population et les soldats à rejoindre le mouvement qui s'est donné le nom compliqué de "Mouvement patriotique des jeunes des forces de défense et de sécurité du Gabon" (MPJFDS).

Quelques heures plus tard, un porte-parole du gouvernement déclare que la tentative de coup d'Etat a échoué, que deux des putschistes ont été abattus par les forces de sécurité et que les autres ont été interpelés, y compris le lieutenant Obiang Kelly qui était d'abord parvenu à s'enfuir.

Infografik Karte Gabun Libreville EN

Cette tentative de putsch montre à quel point le Gabon est instable, affirme die tageszeitung. Malgré sa façade multipartite, le pays pétrolier d'Afrique centrale est une autocratie centralisée qui ne fonctionne plus lorsqu'il y a un trou au sommet de l'État.

Ce trou s'appelle Ali Bongo. Le président de 59 ans est soigné à l'étranger depuis son accident vasculaire cérébral en octobre.

Le Gabon appartient à la famille Bongo depuis 50 ans et cela doit le rester. Lors des élections législatives d'octobre 2018, la fille d'Ali Bongo, Malika Bongo, a remporté un siège dans la circonscription de Bongoville, berceau de la famille, avec 99,19% des voix.

L'opposition est difficile dans ce pays de 1,8 million d'habitants où toutes les élites se connaissent ou ont un lien de parenté. Le leader de l'opposition Jean Ping, qui aurait gagné les élections en 2016 si les chiffres n'avaient pas été manipulés dans la province natale de Bongo, a eu deux enfants hors mariage avec la sœur du président.

Malgré le séjour prolongé d'Ali Bongo au Maroc, le pouvoir assure que le pays continue d'être dirigé
Malgré le séjour prolongé d'Ali Bongo au Maroc, le pouvoir assure que le pays continue d'être dirigéImage : picture-alliance/AP Photo/Moroccan Royal Palace

Il en aurait également un avec la présidente de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, qui a par ailleurs été une maîtresse d'Ali Bongo. Or c'est d'elle que dépend la décision sur ce que deviendrait le Gabon si son président ne peut pas exercer son mandat.

Certains observateurs supposent que la tentative de ce "putsch d'opérette" a été mise en scène par le chef des services secrets Frédéric Bongo - le frère du président, pour faire sortir les opposants du bois – avant de resserrer la vis.

Le système, conclut die tageszeitung, doit pouvoir fonctionner sans président.

Deutsche Welle Anne Le Touzé
Anne Le Touzé Journaliste au programme francophone de la DWnanetouz