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Podcast sur l'affaire Martinez Zogo : les faits (1/3)

Sandrine Blanchard | Paul Chouta
19 janvier 2024

Il y a un an, le corps sans vie du journaliste Martinez Zogo était retrouvé à Yaoundé, supplicié. Dans cet épisode du podcast QuiQuoiComment consacré à l'affaire, nous revenons sur ce qui s'est passé.

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Un portrait de Martinez Zogo avec des cierges devant, photo prise à Radio Amplitude FM, la radio de Martinez Zogo, le 23 janvier 2023
Un an après la mort du journaliste Martinez Zogo, l'instruction judiciaire n'est toujours pas terminéeImage : DANIEL BELOUMOU OLOMO/AFP

"Allez -vous laisser votre pays mourir ? Allez-vous laisser les caisses de l'Etat braquées par des gens, par des bandits ? Non, mes frères, réveillez-vous, l'heure est grave."

Cette voix est celle de Martinez Zogo.

Il y a un an, son corps a été découvert à Yaoundé. Supplicié. Mutilé.

Agé d'un peu plus de 50 ans, Martinez Zogo était un journaliste radio très en vue au Cameroun.

Depuis un an, une procédure judiciaire est ouverte pour faire la lumière sur les circonstances de son décès. De hauts responsables et un puissant homme d'affaires ont été mis en cause par la justice, certains emprisonnés pour leur implication supposée dans la mort de Martinez Zogo.

Mais ce dossier est un écheveau difficile à démêlé, qui révèle des pratiques de corruption, des luttes d'influence au sommet de l'Etat camerounais.

Bref, une histoire passionnante que nous vous proposons ici de retrouver dans un podcast QuiQuoiComment en trois volets : d'abord un retour sur les faits et la personne de Martinez Zogo, avec le témoignage de gens qui l'ont bien connu.

Puis, le 2è chapitre de ce QQC reviendra sur l'affaire toujours pendante – la procédure en cours devant le tribunal militaire de Yaoundé. Et dans le 3è volet, nous discuterons des implications politiques de cette affaire Zogo et de la lutte contre l'impunité au Cameroun.

Affaire Martinez Zogo (Ep.1.) : sa disparition et sa mort

Premier épisode sur les faits et la personnalité de Martinez Zogo

Dans ce premier épisode, nous revenons sur les faits et sur la personnalité de Martinez Zogo.

Le 22 janvier 2023, un cadavre "en état de putréfaction très avancé" est retrouvé dans une banlieue de Yaoundé, Soa. Il est 5h20 du matin.

Le corps gît dans un trou creusé par des camions, à 400 mètres environ de la voie principale du quartier d'Ebogo 3, sur un chantier routier.

Ce n'est que vers 9h, donc près de quatre heures plus tard, que les autorités sont prévenues de la découverte du cadavre.

Le corps est celui de Martinez Zogo, un animateur radio, qui avait été enlevé cinq jours plus tôt.

La dernière émission de Martinez Zogo

Martinez Zogo est alors le présentateur de l'émission Embouteillages. Il enquête sur des malversations, sur lesquelles nous reviendrons plus en détails dans le 2è volet de cette série. Des détournements de fonds publics. Le journaliste cite le nom de hauts responsables politiques et aussi d'un homme d'affaires, Jean-Pierre Amougou Belinga.

Voici un extrait de la toute dernière émission de Martinez Zogo, le 17 janvier 2023, quelques heures avant sa disparition :

"J'ai donc adressé au chef de l'Etat, au président de la République du Cameroun, Son Excellence Paul Biya, le père de la nation, une note d'information sur comment est-ce que l'argent du contribuable camerounais sort du chapitre 94, du chapitre 65 et du chapitre 57 pour faire plaisir à Monsieur Jean-Pierre Amougou  Belinga. La même d'information, je l'ai adressée quasiment à toutes les personnalités responsables des services d'intelligence. Il est donc question qu'aujourd'hui chacune de ces personnalités prennent leurs responsabilités."

Affaire Martinez Zogo (Ep.2) : l'instruction en cours

Les lignes 94, 65 et 57 et "le pillage du siècle"

Les lignes 94, 65 er 57 sont des lignes de souveraineté du budget de l'Etat camerounais. Ces chapitres permettent de financer des dépenses des institutions publiques, des ministères, et d'autres entités de l'Etat qui n'étaient pas prévues au budget annuel. Ces fonds discrétionnaires auraient été l'occasion de détournements importants de fonds publics.

Le chef de l'Etat a ordonné en 2022 une enquête administrative pour faire la lumière sur plus de 5.400 milliards de FCFA – soit plus de 8,26 milliards d'euros – de dépenses publiques qui auraient bénéficié à des individus par le biais de sociétés écrans et de marchés publics frauduleux. Cette affaire a été surnommée au Cameroun "le pillage du siècle".

"Il n'avait pas la langue dans sa poche"

C'est donc sur cette affaire gigantesque qu'enquêtait aussi Martinez Zogo. Au micro, vous l'avez entendu, il avait un ton pour le moins incisif. Y compris dans les interviews qu'il lui est arrivé d'accorder.

Comme ici à l'ancien média en ligne Tara+. C'était en avril 2022 et là encore, Martinez Zogo s'en prend ouvertement à l'homme d'affaires Jean-Pierre Amougou Belinga que Martinez Zogo accuse de fraude fiscale :

"Il est indéfendable ce monsieur. Ce monsieur, oui, il a joué les hommes généreux à qui en faisait la demande, à gauche à droite. Mais pour moi, c'est quelqu'un pour qui je n'ai plus de respect."

Affaire Martinez Zogo (Ep.3) : jusqu'au sommet de l'Etat

Un proche de Martinez Zogo, Aristide Mono, parle ainsi du journaliste d'Amplitudes FM qu'il considérait comme son mentor :

"Il n'avait pas sa langue dans sa poche. Et il n'avait pratiquement peur de personne. Il n'hésitait pas à dire la vérité en face. Il avait un bon rapport humain, très simple, il n'avait pas d'orgueil, du  moins pas dans la sphère dans laquelle nous avons évolué. Il m'a toujours traité comme un petit frère, m'a prodigué des conseils et a essayé de me donner cette envie de dire la vérité. Pour résumer, il fait partie de ceux qui m'ont beaucoup influencé et m'ont fait comprendre qu'au Cameroun, il était possible de dire la vérité sans avoir peur, sans tomber dans le défaitisme des intimidations."

Un journaliste en danger

L'agressivité des propos de Martinez Zogo ont fait sa réputation. Mais lui ont valu de nombreux problèmes. Il a ainsi fait plusieurs fois l'objet de plaintes – notamment en diffamation - il est plusieurs fois sanctionné et son émission suspendue. Et en 2020, il est condamné à deux mois de prison.

"Mon mari, il avait… Dans ses émissions, des gens ont attiré mon attention pour me dire qu'il était assez violent. […]", témoigne Diane Zogo, la veuve de Martinez Zogo, au micro de DW Afrique. Elle poursuit : "Il parlait d'un dossier de la ligne 94 qui pouvait lui causer d'énormes problèmes. En tant qu'épouse, je l'ai interpellé en lui demandant de faire attention, en lui disant qu'il n'était pas obligé de parler de ça. Qu'il pouvait se retourner vers d'autres dossiers. Parce que ça pouvait lui créer des problèmes dans notre vie. Il fallait qu'il sache qu'il a une famille, sa femme et ses enfants."

Dans cet épisode, vous entendrez également le témoignage de Paul Chouta,  journaliste et lanceur d'alerte camerounais qui a lui aussi connu Martinez Zogo.

Ainsi que des avocats - de la famille Zogo et de la défense des personnes mises en cause dans le dossier.