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"Que Kinshasa nous prête son attention!" (un enseignant)

John Kanyunyu
24 juillet 2020

Alors que la RDC s’apprête à rouvrir les classes, des enseignants restent encore sans salaire. Portrait d’un enseignant qui se débrouille pour survivre.

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La reprise des classes est menacée en RDC
La reprise des classes est menacée en RDC Image : Thomas Einberger/Brot für die Welt

Nous sommes au domicile d’un enseignant qui, comme de nombreux autres dans la région, n’est plus payé depuis le début du confinement. Il s’agit des enseignants dits "non mécanisés", des professionnels reconnus par l’Etat mais non intégrés dans le budget de l’Education. Ils sont payés par les écoles, c’est-à-dire sur la base de petites primes versées par les parents d’élèves.

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On entend la berceuse de ses enfants mais Justin Kasereka Ngakwiraki est encore en route, revenant de son champ situé, à près de dix kilomètres à l'ouest de la ville de Beni. 

Sans salaire depuis des mois

Marié et père de trois enfants, il travaille depuis six ans dans l'enseignement. Mais durant le confinement, il n’a reçu aucun salaire.

Il explique avoir traversé une vie misérable pendant les quatre mois d'arrêt des cours. Pour trouver de quoi nourrir sa famille, il est donc obligé de travailler dans les champs.

"Je reviens du champ mais je suis fatigué et je viens de donner le peu que j'ai trouvé, des fruits qui peuvent au moins renforcer les enfants que j'ai à la maison.", raconte-t-il.

Ecouter le sujet de John Kanyunyu, notre correspondant à Beni

Depuis la levée de l’état d’urgence, la reprise des cours en République démocratique du Congo (RDC) est programmée pour le 3 août prochain. Mais les enseignants non statutaires conditionnent cette reprise à leur intégration par l’Etat car durant le confinement, ils n’ont perçu aucun salaire.

Ils veulent être désormais payés par l’Etat, comme l'avait promis le gouvernement avant que l'état d'urgence sanitaire ne soit décrété. 

"C'est inacceptable de vivre dans un pays où on n’est pas payé. Avec la situation actuelle, en tout cas, on n’est pas pressé. On est prêt à attendre encore trois mois avant de reprendre, pourvu qu'on puisse nous payer.", s’indigne Justin Kasereka Ngakwiraki.

Le président Félix Tshisekedi a levé l’état d’urgence sanitaire le 21 juillet
Le président Félix Tshisekedi a levé l’état d’urgence sanitaire le 21 juillet Image : G. Kusema

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Travailler pour la survie de sa famille

Justin Kasereka Ngakwiraki ne comprend pas pourquoi le gouvernement est insensible à la misère des enseignants, alors que ce sont ces derniers qui forment les élites du pays :

"Le gouvernement nous a mandaté afin que nous puissions éduquer les enfants et ils seront ce que sont les gouverneurs, les présidents de la République. Je crois que c'est important que le gouvernement focalise son attention sur nous, enseignants, qui sommes en train de souffrir."

En attendant la reprise effective des cours, tout en espérant que le gouvernement tiendra ses promesses, Justin Kasereka Ngakwiraki ira demain à son champ, où il doit récolter le maïs pour la survie de ses enfants.

Mais les exigences des enseignants pourraient empêcher la reprise des cours à la date prévue. Les parents d'élèves, qui souhaitent voir l'année scolaire 2019-2020 sauvée, pourraient être contraints d’accepter une année blanche.