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"Reconnaissez les artistes!", un appel de la rappeuse Orakle

6 janvier 2022

La rappeuse Orakle appelle les autorités de RDC à développer une politique culturelle.

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Orakle est l'une des premières femmes rappeuses en RDC.

Aujourd'hui, elle fait figure d'autorité dans ce domaine encore majoritairement dominé par les hommes. Depuis les années 1990, elle se bat pour que les femmes puissent exister dans le rap. Comme beaucoup d'artistes, elle a dû se battre pour se faire connaître et conquérir le public. Aujourd’hui, les mentalités tendent à évoluer mais beaucoup reste encore à faire. Dans cet entretien qu'elle a accordé à Wendy Bashi à Kinshasa, elle revient sur son parcours.

DW : Bonjour Orakle! Comment vous présenter à ceux qui ne vous connaissent pas?

Salut à tous. Je m'appelle Orakle Ngoy, je suis une slameuse, rappeuse et artiste performeuse de la République démocratique du Congo.

DW : Orakle, vous êtes l'une des premières femmes à avoir fait du rap en RDC. Quel est votre parcours ?

En fait, moi, j'ai commencé le rap très, très jeune. Je crois que j'avais 12 ans et on était à cette époque-là où il y avait cette histoire de raveurs,  c'était des vagues. Et du coup, on était un peu emportés. Je sentais seulement qu'il fallait que je parle. Et donc, du coup, j’ai commencé à faire du freestyle par-ci, par-là et d'ailleurs on ne m’appelait pas Orakle à l'époque, on m'appelait « Virus ». Je suis devenue un rappeuse professionnelle en 2007 et c'est vrai que c'était un monde qui était beaucoup plus porté par des hommes. Et même le rap en soi était considéré comme une fausse note dans la rumba congolaise. Donc déjà de trouver un public, des gens qui vous apprécient en tant que rappeur, en tant qu'artiste, qui vous considèrent. Et deuxièmement, c'était le fait d'être une femme… On me disait « Toi tu es une femme. Ça, c'est un truc des hommes ». Mais après, moi, j'étais très passionnée et petit à petit, j'ai fait de cette passion-là ma profession.

DW : En tant que femme, quels sont les défis qu'on rencontre? C'est un milieu qui est quand même assez masculin. 

Le fait d’avoir ce sexe-là, d’être femme, j’espère qu’avec cela, je peux aider un peu les artistes femmes à évoluer. Je fais une parenthèse pour expliquer un peu ça. Il y a quelques jours, on était quelque part avec une artiste soliste. Elle m'a dit : « Orakle, si je dois me souvenir de tout ce que j'ai dû subir pour devenir celle que je suis aujourd'hui… Juste pour que quelqu'un te montre ne serait-ce qu’une note, il fallait déjà que tu sois violée et tu n'avais même personne pour te plaindre ». 
Moi, je n'ai pas subi ces viols parce que naturellement, je suis un peu déjà avec une tête de gangster. Tu vois? Oui. Donc moi, tu me cherches, tu me trouves. Je suis là et j'ai toujours eu mes frères derrière moi. Du genre : « Ne me teste pas, man, je suis femme ferme, gangsta et fière de l'être, femme. Pas de bassesse, pas d'esprit faible, pas de bêtise, puisqu'on teste car on n'est pas des bâtards, ce n'est pas si tard… Ne kiffe pas trop de stupidités. La vie n'est pas un brouillon ou tous les [elle renifle] peuvent se prendre pour des dieux ». Donc ça, c'est dans mon mental. [elle rit]

DW : Rappeuse et maman, est-ce que c'est compatible ?

Ce n'est pas facile parce que je sais qu'il m'est arrivé d'avoir mon bébé comme ça et d'être expulsée d’ateliers dont j’avais vraiment besoin. A l'époque, je suis allée en studio avec ma fille, elle avait deux mois. Après coup, je me suis dit, tu es folle ou quoi? Il faut dire que j’ai créé un peu comme un pont entre Orakle [mon nom de scène] et Yolande [mon vrai prénom]. Donc, je suis à la fois une mère qui assume la responsabilité et je suis artiste. Je me bats pour me confirmer. Personne ne le fera à notre place.

DW : Est-ce que vous êtes appuyée ou soutenue par les autorités?

Sérieusement... Les autres, les amis artistes en Allemagne, ils nous disaient « Notre gouvernement nous a donné un peu de fonds tout ça ». Nous, non. Comment veux-tu que ces gouvernements qui dirigent nous donnent quelque chose, alors qu’ils n'ont même pas pensé à mettre une loi qui dit qu'il y a une profession dans ce pays qui s'appelle « artiste ». Déjà, s'ils reconnaissent pas ça, c'est trop bizarre. Il y a trop d’ambiguïtés, donc on fait avec. 

DW : Quelles pistes recommanderiez-vous en matière de politique culturelle en RDC ?

Qu’ils nous reconnaissent déjà. Ça nous va me permettre déjà d’évoluer. Créez une politique culturelle qui permette aux artistes de survivre et même de faire de l'art un moyen de ressourcement pour le gouvernement, reconnaissez ce qu'il faut connaître, établissez des garde-fous qui permettent aux artistes d'être protégés ainsi que leurs œuvres. Et aussi la culture qui est une grande richesse. 

DW : On finit en rap ?

Alors qu'est-ce que je dirais ? Mon Dieu, je cherche dans ma tête ce que je dois dire pour mon pays… ou bien pour mon pays, pour la paix. Moi, j'opte pour la tranquillité, car cette terre ne peut plaire ni même l’air être. Les choses changent, mais c'est du négatif, car le positif que nous voulons ne peut être que si l’Eveil se lève sur le Réveil, frère, de cet état de choses et cet état d'esprit qui expriment de la bassesse, la pauvreté sans cesse qui ne cesse chaque fois dans le fond, de l'être à démontré, Seigneur, que l’urgence s'impose sur la nécessité à trouver des solutions à cette pollution dans la terre de mes aïeux, le Congo de mes ancêtres… Parole d'Orakle !