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Un programme universitaire pour les victimes de l’esclavage

17 décembre 2018

Au Royaume-Uni, des personnes victimes du trafic d'êtres humains peuvent bénéficier d'une formation appelée "Free Thinking". Ce programme propose de suivre des cours, notamment d'anglais, .

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Großbritannien - Modern Slavery Act: Menschenhandel Europa
Image : picture-alliance/PA Wire/D. Lipinski

Pendant dix semaines, des étudiants pas vraiment comme les autres, se voient offrir la possibilité de s'évader du quotidien en suivant des cours au Nothern College, dans le Yorkshire, au Royaume-Uni. Ces groupes d'hommes et de femmes, qui retournent sur les bancs de la fac, sont des survivants des trafic d'êtres humains, des anciens esclaves.

Pendant de longues périodes de leur vie, parfois des décennies, ces personnes ont été forcées à travailler comme prostituées, elles ont été victimes du trafic d’êtres humains et vendues comme esclaves domestiques ou dans le cadre de mariages forcés. Beaucoup d'entre elles mettent des années à retrouver de l’espoir en leur propre avenir.

Changer des vies

Le programme "Free Thinking"*, dispensé par le Northern College est le premier du genre en Grande-Bretagne. Il rassemble les survivants du trafic d’êtres humains - venus des régions avoisinantes comme Sheffield et Leeds -, et leur propose de passer trois jours par semaine à l'université. 

"Ce programme répond à un besoin éducatif. Son objectif est de rétablir la confiance en soi et d'encourager l'indépendance des personnes qui ont souvent été soumises à un traitement épouvantable de la part des trafiquants. En plus de rétablir la confiance en soi et d'encourager l'indépendance, le programme 'Free Thinking' donnera aux victimes l'occasion de développer leurs compétences en anglais", peut-on lire sur leur site internet.

Les étudiants viennent de différents pays, du Malawi au Pakistan en passant par le Brésil et le Bangladesh. Sunny**, une Pakistanaise de 25 ans, est venue à Londres en 2017 pour faire une maîtrise. Elle a habité chez un couple qui l'a battue et violée pendant plusieurs mois, a-t-elle confié à la Fondation Thompson Reuters. Ici, elle est enfin en sécurité : "L'université est la seule chose qui me donne confiance. C'est mon seul sanctuaire", dit-elle.

La seule condition requise pour pouvoir participer au cours est de pouvoir suivre une conversation de base en anglais. La plus jeune élève ici n'a que 19 ans, selon l'organisatrice du programme, Jane Williamson. Elle ajoute que certains élèves ne lui ont jamais dit ce qui leur est arrivé, mais cela n'a pas d'importance ici. L'important, selon elle, c'est de pouvoir se concentrer sur l'avenir.

"Lorsqu’ils arrivent dans les résidences étudiantes, beaucoup ont perdu tout espoir d'amélioration", détaille Jane Williamson. "Ce que je vois ensuite quand ils deviennent des étudiants, c'est cet espoir, cette certitude que quelque chose les attend après."

Selon Jane Williamson, les cours donnent également aux élèves l'occasion de nouer des liens personnels et des amitiés.

"Nous avons eu des gens qui ont été réduits en esclavage pendant plus de dix ans, de vingt ans... Ils ont été très isolés, sans amis, puisqu'ils n'ont jamais été 'autorisés' à nouer des amitiés", poursuit Jane Williamson. "Voir que ces gens-là se sentent chez eux, c'est fantastique".

Bien qu'ils aient partagé des expériences d'abus et de souffrance, les élèves viennent de milieux différents et leurs niveaux d’éducation sont également différents. L'une des élèves a commencé le cours en étant incapable d'écrire son propre nom, une autre a une maîtrise, mais elle a du mal à quitter sa propre chambre. Elles font toutes les deux des progrès à leur façon.

Au Royaume-Uni, des milliers de victimes présumées de l'esclavage, enfants et adultes, sont signalées au gouvernement chaque année. En 2016, 136 000 personnes étaient concernées, selon le Global Slavery Index 2018

Un lieu sûr

Au Royaume-Uni, les personnes identifiées comme victimes potentielles du travail forcé, de l’esclavage et du trafic d’êtres humains reçoivent un soutien de la part de gouvernement. Mais leur guérison peut prendre du temps. Le système est frustrant pour les survivants, qui doivent parfois attendre des années avant que leur statut de réfugié ne soit accepté.

L'un des plus grands problèmes, explique Jane Williamson, est que la procédure d'évaluation d'une victime d'esclavage est distincte d'une demande d'asile. En d'autres termes, même si une personne a été reconnue victime d'esclavage, elle n'est pas automatiquement réfugiée. Elle doit attendre que l'on statue sur son dossier d'asile. Pendant cette période, il est peu probable qu’elle ait le droit de travailler. "C'est une période délicate où ils sentent qu'ils ne sont pas capables d'aller de l'avant et leurs problèmes s'en trouvent renforcés."

À l’université, les étudiants peuvent s'épanouir. Ils disposent d'espaces pour se détendre dans un cadre magnifique - bien que, ironiquement, le Northern College se trouve dans le château de Wentworth construit avec l'argent de la traite négrière. Une statue d'esclave subsiste encore dans l'enceinte du château.

Jusqu'à présent, le programme "Free Thinking" n'a concerné qu'une trentaine de personnes. Une nouvelle - et troisième - session est prévue pour mai 2019, mais il dépend des fonds propres du collège. Jane Williamson espère trouver des financements externes et souhaite qu'à l'avenir, le programme puisse être étendu à d'autres universités afin d'aider beaucoup plus de gens partout dans le pays. 

---- ➤Site web du programme Free Thinking

Pour les participants, le programme est gratuit.

** Le prénom a été modifié

Pour avoir plus d'informations, vous pouvez contacter l'université via leur adresse mail : freethinking@northern.ac.uk ou par téléphone : 01226 776000

 

Cet article écrit par Marion MacGregor et traduit par Audrey Parmentier a été publié pour la première fois sur le site InfoMigrants: http://www.infomigrants.net/fr/post/13703/royaume-uni-un-programme-universitaire-pour-aider-les-victimes-de-l-esclavage