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Tchad: lourdes condamnations contre des rebelles

Henri Fotso
28 août 2019

La justice tchadienne a condamné 243 rebelles à des peines d'emprisonnement de dix à vingt ans. Le chef des rebelles, Timane Erdimi, neveu d'Idris Deby, a été condamné à la prison à perpétuité par contumace.

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Justizministerium in Ndjamena
Image : DW/F.Quenum

Dix à vingt ans de prison pour les 243 membres supposés de l’Union des forces de la résistance (UFR) au Tchad. Et quelle prison ? La prison de haute sécurité de Koro Toro située en plein désert. Accusés de "terrorisme" et "complicité de terrorisme", et déjà incarcérés depuis sept mois, ces Tchadiens ont reçu les juges dans leur lieu de détention : un tribunal délocalisé que dénonce l’UFR à travers son porte-parole, Youssouf Hamid, que nous avons joint au téléphone :

"A notre avis, il n’y a pas eu un procès, parce que c’est une mascarade. On n’a jamais vu nulle part dans le monde entier un procureur se rendre dans une prison pour prononcer des verdicts. Donc, il n’y a pas eu de procès."

24 mineurs ont été relaxés

Procès ou pas procès, il y a bien eu tentative de coup d’Etat de la part de l’UFR il y a sept mois, selon la justice tchadienne. Ce que Youssouf Hamid conteste aussi :

"Non, on ne peut pas dire ça comme ça. Même monsieur Deby n’a jamais dit qu’il y a eu un coup d’Etat. C’est monsieur Le Drian qui a dit ça. Donc un coup d’Etat, ce n’est pas vrai. On ne peut pas préparer un coup d’Etat à 1.500 kilomètres de distance. Vous appelez ça un coup d’Etat ?"

Ils étaient plus de 267 à être interpellés après l'intervention de l’armée française en février, selon les autorités tchadiennes. Mais l’UFR ne reconnaît pas ce nombre, et parle d'une centaine de ses éléments seulement.

Y aurait-il eu des innocents parmi les personnes interpellées ? Ce qui est sûr, c’est que 24 mineurs ont été relaxés lundi au terme du procès expéditif. Les critiques adressées contre ce procès par les Tchadiens eux-mêmes interpellent le ministre de la Justice, Djimet Arabi, qui répond :

La main du président Deby demeure tendue, selon le ministre tchadien de la Justice
La main du président Deby demeure tendue, selon le ministre tchadien de la JusticeImage : UImago/Xinhua/C. Yichen

"Malgré la loi d’amnistie, ils se sont introduits au Tchad pour mettre en péril les institutions de la République. La main tendue du chef de l’Etat demeure toujours et ils peuvent toujours revenir à de meilleurs sentiments, pourvu qu’ils choisissent de déposer les armes. Ça n'a rien à voir avec des gens animés de bonne volonté qui, pour des raisons qui leur sont propres, se sont retirés à l’extérieur mais qui peuvent à tout moment revenir au pays."

"La loi d’amnistie n'a plus beaucoup de sens au Tchad"

Il faut dire qu’après avoir adopté la loi d’amnistie, le Tchad a aussi promulgué une loi sur le terrorisme qui frappe les rebelles de la prison de Koro Toro et d’autres qui sont en exil comme Timane Erdimi, le chef de la rébellion contre son oncle Idris Deby Itno.

Timane Erdimi a été condamné à perpétuité lundi (26.08.19), alors qu’il était déjà condamné à mort après l’autre tentative échouée, en 2008, aux portes du palais présidentiel, déjà à l'époque après une intervention de l’armée française. Evariste Ngarlem Toldé, universitaire tchadien, estime pour sa part que la loi d’amnistie n'a plus beaucoup de sens :

"C’est vrai, il y a eu des progrès avec le retour d’Acheikh Ibn Oumar dans le pays, il ne faut pas le contester. Mais aller aujourd’hui jusqu’à parler d’amnistie et en même temps condamner des chefs rebelles pour des faits qui remontent à plus de dix ans : cette amnistie a certainement du plomb dans l’aile. Et cela donnerait du grain à moudre à ces chefs rebelles qui persistent à ne pas rentrer parce qu’ils ne croient pas aux bonnes intentions du chef de l’Etat qui manie aussi bien la carotte que le bâton. On ne peut pas d’une part amnistier et puis d’autre part condamner."

Les rebelles de l’Union des forces de la résistance, qui ont tenté en février leur deuxième coup de force en onze ans, se disent toutefois disposés à participer à un dialogue pour la réconciliation, à condition que celui-ci soit garanti par la communauté internationale.