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Un "plan Marshall" pour l'Afrique?

Sandrine Blanchard8 août 2016

Le ministre allemand de la Coopération, Gerd Müller, préconise de revoir les relations avec l'Afrique. Et de coupler une hausse des investissements privés européens à la réintégration de migrants dans les pays africains.

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Tödliche Kinderarbeit in Nigeria Chemikalien
Image : DW/A. Kriesch

Gerd Müller entame aujourd'hui une mini-tournée en Afrique par un une étape au Sénégal. Avant son départ pour Dakar, le ministre a accordé une interview à l’hebdomadaire allemand Bild am Sonntag.

1947-2016?

Dans cet entretien, Gerd Müller explique que, pour endiguer durablement l’émigration africaine, il faudrait mettre en place un « Plan Marshall pour l’Afrique ». Une allusion au plan d’aide à la reconstruction dont a bénéficié l’Europe au sortir de la Seconde guerre mondiale, sous certaines conditions, de la part des Etats-Unis. Les Etats bénéficiaires s’engageant notamment à importer des produits américains pour une somme au moins équivalente à l’aide reçue.

Le plan Marshall auquel Gerd Müller fait référence a pour nom véritable « Programme de rétablissement européen ». Il est signé en septembre 1947 et prévoit que les Etats-Unis aident, sous forme de dons et de prêts et à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de dollars, 23 pays européens bombardés durant la guerre à reconstruire leurs infrastructures bombardées.

Gerd Müller in Tansania
Gerd Müller veut redéfinir la coopération avec l'Afrique subsaharienneImage : picture-alliance/dpa/A. Heimken

Dans le cas qui nous préoccupe, le ministre Gerd Müller suggère, pour remédier à l’émigration massive de jeunes Africains, que les Etats occidentaux incitent leurs entreprises à investir davantage en Afrique durant plusieurs décennies, grâce à des allègements fiscaux, par exemple, et dans des secteurs innovants porteurs d’emploi, comme les énergies vertes.

Une aide sous conditions

En contrepartie de quoi – parce que cette aide ne serait pas totalement désintéressée – le ministre allemand propose que les Etats africains acceptent de reprendre des migrants, dans le cadre de programmes d’aide au retour, mis en place en coopération avec les pays occidentaux.

Magueye Kassé* est professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Ce germaniste spécialiste des relations germano-africaines comprend ces conditionnalités au vu des échecs accumulés en termes de politique migratoire.

Spanien Malaga Ankunft Flüchtlinge
Comment juguler les flux migratoires?Image : Reuters/J. Nazca

« On a essayé de juguler ça avec Frontex, ça n’a pas marché. On a tenté de contraindre les pays à prendre des mesures qui n’ont pas eu les résultats escomptés. Mais cela veut dire que, si plan Marshall il y a, il faut qu’il y ait des concertations rigoureuses qui n’excluent pas des acteurs qu’on n’inclue pas souvent dans ce genre de projets, comme la société civile au sens le plus large du terme, c’est-à-dire des associations constituées mais aussi des personnalités. »

Impliquer la société civile

Revoir les termes des échanges entre les pays occidentaux et l’Afrique, c’est ce que préconise aussi Mouhamadou Mbodj*, le Coordinateur du Forum civil à Dakar, mais à la condition de mener des réformes en amont dans les pays concernés, notamment pour lutter contre la corruption.

« Si on ne place pas le secteur privé africain au cœur d’une discussion sur un plan Marshall pour l’Afrique, cela ne servira pas aux populations ni le développement économique. Il faut travailler sur l’industrialisation du continent, il y a des projets au niveau de l’UA, comme le Nepad. Il va falloir connecter ces idées aux initiatives existantes pour leur donner de la substance. Il faut que la société civile soit impliquée dans un processus comme ça. »

Cette idée de « plan Marshall » pour l‘Afrique a également été soulevée il y a quelques jours par le président du Bénin, Patrice Talon. Mais rien n’indique que l’Europe suive l’Allemagne sur ce « plan Marshall » qui pourrait bien rester lettre morte. Gerd Müller avait proposé, en décembre dernier, l’instauration d’un tel plan pour… l’Irak et la Syrie.

*Ecoutez en cliquant sur les liens ci-dessous les interviews avec Mouhamadou Mbodj et Magueye Kassé.