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Une marche pacifique interdite au Tchad

Blaise Dariustone
25 août 2020

Des députés natifs de provinces frontalières du Cameroun voulaient dénoncer mardi l’insécurité dans cette zone et la passivité du gouvernement.

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L’opposant Saleh Kebzabo dénonce l’insécurité dans les provinces frontalières du Cameroun
L’opposant Saleh Kebzabo dénonce l’insécurité dans les provinces frontalières du CamerounImage : Tchindebbé Patalle

Des députés natifs des provinces du Mayo-Kebbi Est et Ouest (dans le sud du pays) avaient appelé à une marche pacifique mardi (25.08.20) contre l’insécurité dans ces deux provinces frontalières avec le Cameroun. Mais le ministère de l’Intérieur a interdit la marche pacifique.

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Le parti Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), initiateur de la marche, a condamné "cette manière d’interdire toute sorte d’expression populaire et prévient que les autorités risquent de soulever la colère de la population". Dans le communiqué, le parti s’interrogeait : "Que craint-on d’une marche symbolique pour demander plus de sécurité et de paix ?".

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Enlèvements contre rançons

C’est un phénomène qui dure depuis plus de dix ans dans le Mayo-Kebbi Est et Ouest. Des groupes d'hommes arrivent la nuit dans les villages et villes de ces provinces, prennent des familles en otage, enlèvent quelques personnes et s’enfuient au Cameroun voisin en laissant sur place leurs numéros de téléphone.

Une fois joints par les parents des victimes, les ravisseurs exigent des rançons qui s’élèvent à environ dix millions de francs CFA (soit plus de 15.000 euros) par otage pour leur libération.

"Les habitants de ces zones ne savent plus à quel saint se vouer" (Saleh Kebzabo)

L’opposant Saleh Kebzabo, initiateur de cette marche, décrit une situation intenable pour les habitants :

"Les habitants de ces provinces ne savent plus à quel saint se vouer. Il y a des régions entières où les populations sont allées au Cameroun. Est-ce qu’il faut que nos compatriotes soient incités à quitter leurs pays pour devenir des citoyens d’un autre pays ? Nous ne pensons pas. C’est pour cela que nous les députés des zones concernées, nous nous sommes entendus pour aller organiser des marches pacifiques pour rappeler au gouvernement qu'il y a une situation qui doit être gérée pour que nos populations vivent en paix."

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Le parti au pouvoir évoque une récupération politique
Le parti au pouvoir évoque une récupération politique Image : Présidence de la République du Tchad

Responsabilité de l’Etat

Cette insécurité a inspiré au directeur de publication du Journal Eclairage 3ème œil, Nestor Deli Sainzoumi, la publication en 2017 d'un ouvrage intitulé  "Penser les prises d’otages contre rançon". Il pointe aujourd'hui la responsabilité de l’État :

"Parmi les ravisseurs, il y a des anciens combattants. Des ex-rebelles notamment ceux qui ont accompagné François Bozizé (ancien président centrafricain) pour la prise du pouvoir en Centrafrique. Ce sont ces Tchadiens-là qui se retrouvent dans la nature avec des armes et ce sont ceux-là qui deviennent des preneurs d’otage contre rançon. Le pouvoir central du Tchad les connaît bien. En dehors de la complicité des autorités administratives, militaires et traditionnelles, il y a la complicité à un haut niveau. Le régime en place au Tchad est complice de cette pratique."

Des arguments que réfute l'ancien ministre de la justice, Jean-Bernard Padaré, le secrétaire général adjoint, chargé de la communication, et  porte-parole du Mouvement patriotique du salut (MPS) au pouvoir, également natif de cette localité. Pour lui, l’initiative des députés n’est rien d’autre qu’une récupération politique :

"Ces malfrats ne sont pas des Tchadiens. Ce sont des bandits de grand chemin qui viennent du Cameroun. Le plus souvent, nos militaires font ce qu’on appelle le droit de poursuite en territoire camerounais mais il y a des moments où ils sont souvent bloqués. Alors, au lieu d’aller sensibiliser ces paisibles citoyens à ne pas se rendre complice des gens qui causent du tort à nos parents, eh bien on veut aller faire une exploitation politicienne. Pour moi, c’est un non-événement."

Selon les organisateurs, les marches pacifiques et réunions de crise vont se poursuivre jusqu’au 28 août prochain.