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Des jeunes entrepreneurs font bouger Abidjan

Julien Adayé
24 février 2022

Malgré les difficultés de financement, les jeunes créent des entreprises en Côte d’Ivoire et tentent de faire bouger les choses.

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Abidjan, capitale économique de Côte d'Ivoire
Abidjan, capitale économique de Côte d'IvoireImage : Cyrille Bah/Anadolu Agency/picture-alliance

Pharrel Abraham Djollo, la trentaine, avait quitté la Côte d'Ivoire à la suite de la crise post-électorale qu’a connu son pays. Il part en France en 2011 pour les études et pour apprendre un métier. Dans l'hexagone, il apprend d'abord le métier de doublage de voix. Ensuite, il s'envole pour le Ghana et au Nigeria afin de perfectionner son anglais avant de décrocher son premier boulot au Maroc. 

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Dans sa quête d’expériences, Pharrel fait connaissance avec des boites de doublage installées en Afrique. Il est recruté par un comédien français qui lui propose un poste de traducteur de dessin animé, pour un salaire de près de 2.000 euros par mois soit plus d' un million deux cent quarante-quatre mille francs CFA.

Mais son envie de voler de ses propres ailes et de révolutionner le cinéma ivoirien le pousse rentrer en Côte d’Ivoire pour créer Abidjan Dubbing Avenue.

‘’En France, je travaillais dans une entreprise et vu que j'aimais mon métier, j’ai monté une espèce de start-up pour moi-même et je travaillais pour des particuliers depuis chez moi. Et avant de me lancer dans ce projet, j’ai pensé d’abord à la Côte d’Ivoire. On voyait ici des productions Nigérianes, des films américains, ici. Et quand je suis parti au Ghana et au Nigéria, je n’ai pas vu de films ivoiriens. Donc mon projet était d'exporter ce qu’on savait faire en Côte d'Ivoire. J’ai fait un business plan, et je cherchais un financement de projet. Ainsi pendant forte période de la COVID, c’était difficile en Europe et j’ai décidé de rentrer en Côte d’Ivoire.’’

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De retour à Abidjan, Pharrel Abraham Djollo recrute et lance son entreprise et crée des emplois. Avec Abidjan Dubbing Avenue, la Côte d’Ivoire venait d’avoir son premier studio de doublage de voix 100% ivoirien, fait par des jeunes.

‘’Pour ce secteur d’activités, on travaille avec des personnes extérieures. C’est-à-dire pour des films, on a besoin de beaucoup de personnes. Pour un film, on peut avoir maximum besoin de dix personnes pour jouer la voix de dix personnes différentes. Donc il faut au maximum dix ou vingt comédiens. Mais ces personnes-là on travaille ensemble même si elles travaillent en freelance. Il y’a des personnes qui travaillent vraiment dans les studios. On a deux studios d’enregistrement ? Il y’a deux ingénieurs de son qui font aussi le mixage. On des monteurs vidéo et des adaptateurs. Donc en tout, quatre personnes plus deux adaptateurs, ça fait six personnes.’’

Difficile d'être jeune entrepreneur

Mais malheureusement, les choses ne sont pas simples et faciles pour le jeune chef d’entreprise. Très vite, Pharrel  se heurte aux dures réalités des jeunes entreprises en Côte d’Ivoire. Sans soutien et sans d’accompagnement, Pharrel Abraham cumule plusieurs mois de loyers impayés et doit faire tourner sa boite sans clients au point de penser à abandonner.

‘’Je n’ai pas eu d’accompagnement institutionnel. Le coût du matériel pour commencer ce business est vraiment élevé. J’avais des économies depuis 2019, c’est avec ces économies que j’ai pu acheter tout ce que j’ai actuellement comme matériel. Lorsqu’on commence en entreprenariat il faut un fond de roulement. Le fond de roulement ; il permet de payer les charges de l’entreprise sur un certain temps si il n’y a pas de contrat et tout ça. Et nous, on n’avait pas vraiment de fond de roulement. C’était vraiment difficile, il y avait les charges du loyer, les factures et tout le reste. C’était vraiment difficile. C’est le point négatif. On a essayé de le faire mais on n’a pas vraiment eu de gros clients. Sinon pour l’instant, ce sont les moyens financiers qui sont vraiment une difficulté.  Mais je suis à fond. J’essaie de renouveler les idées pour arriver à ce que j’attends.’’

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En dépit des nombreuses difficultés qu’il rencontre, Pharrel Abraham peut tout de même compter sur son ami David Kouadio qui a sept ans d’expérience dans la traduction et le doublage de voix.

‘’C’est avec passion qu’il le fait. J’ai préféré aider mon ami et mon frère, pour pouvoir aller de l’avant.’’

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Une source d'inspiration

L’expérience de Pharrel Abraham inspire d'autres  jeunes Africains comme  Joliane Noity du Bénin et Joyce Tokré de la Côte d’Ivoire. Les deux suivent une formation en ce moment dans les studios d’Abidjan Dubbing Avenue :

‘’Je suis béninoise, je suis venue ici pour me faire former. Donc voilà, j’apprécie.’’

‘’J’ai aimé ce qu’il faisait. Donc j’ai décidé de me faire former. Et je dois reconnaître que c’est un très bon formateur.’’

Pour remonter la pente et pour ne pas regretter d’avoir fait le choix de revenir dans son pays, Pharrel Abraham multiplie les initiatives pour faire tourner sa petite entreprise.

‘’En dehors du doublage on fait d’autres activités comme la traduction des sites internet, les animations 3D, les habillages sonores, des voix off pour la radio et la télévision. Là nous sommes en train d’organiser des coachings dans les écoles pour apprendre déjà ce métier aux touts petits qui veulent s’intéresser au doublage. Aussi susciter des vocations pour des personnes qui aiment l’audio-visuel, qui aiment le cinéma. On essaie de faire ces petites choses-là, comme c’est difficile parce qu’il y’a des mois où on…. Vous comprenez ? C’est chaud. C’est vraiment chaud. On essaie de se serrer les coudes. Comme on dit à Abidjan, découragement n’est pas ivoirien.’’

Pharrel Abraham n’est pas un cas isolé en Côte d’Ivoire. Ils sont nombreux, les jeunes ivoiriens se lancer dans l’entreprenariat sans un appui de l'Etat. Ce qui contraint certains à abandonner leur projet.

Les jeunes entrepreneurs comme Pharrel Abraham veulent des actes concrets de la part des pouvoirs publics. En attendant, Pharrel Abraham espère décrocher rapidement un bon contrat pour garder son entreprise. Le jeune ivoirien dit qu'il n'abandonnera son projet auquel il croit fermement malgré les difficultés.